Hérauts 1. La Brisure

A u coin du feu, deux hommes jouent à se décrire des blasons. Landri, moine défroqué, et Mayeul, son jeune compagnon peintre, sont des experts dans le domaine. Ensemble, ils sillonnent les routes, allant de château en place forte afin de constituer un armorial. C’est ainsi qu’un soir, ils parviennent au fief de Jeanne de Flandre qui leur assure l’hospitalité. Tandis que le cadet se rend à l’auberge, son aîné surprend un conciliabule dans la chapelle où il est allé se recueillir. Le lendemain, les chevaliers se pressent vers la lice où un tournoi doit débuter. Mais, lors de la mêlée, l’un deux s’effondre et ses blessures n’ont rien d’accidentel, bien au contraire. Soupçonnant un meurtre, Landri et Mayeul entreprennent d’enquêter.

Après Le ravageur et le second volume de Clos de Bourgogne, Éric Corbeyran et Nicolas Bègue (L’ange d’Yeu) se lancent dans une nouvelle collaboration. Cette fois-ci, ils explorent le Moyen-Âge et l’art héraldique, qui en aura fasciné plus d’un(e) durant les cours d’histoire avec ses figures et coloris aussi chamarrés qu’extrêmement codifiés. La série vise également à mettre en avant les détenteurs de ce savoir particulièrement important puisqu’il permettait d’identifier facilement les individus, les maisons auxquelles ils appartenaient ou même certaines villes. Car si les hérauts doivent pouvoir reconnaître chacun à ses armoiries, leur fonction ne s’arrête pas là.

Dans ce tome initial, le scénariste présente ses héros, évoquant rapidement les circonstances qui les ont fait embrasser le métier qui est le leur. Ce faisant, il inscrit le récit dans un cadre spatio-temporel reconnaissable. Puis, il amorce habilement les événements constituant le cœur du propos, à savoir la mort suspecte d’un noble et l’enquête qui s’ensuit. Si certains éléments indiquent de manière un peu trop évidente la piste du (ou des) coupable(s), d’autres se révèlent davantage trompeurs, bien qu’un bon observateur puisse ne pas s’y laisser prendre. La résolution de l’affaire en fin d’album apporte toutes les réponses nécessaires. Pour agrémenter le côté policier, Éric Corbeyran glisse une romance assez convenue dont le principal mérite réside dans les leçons de b.a-ba des armoiries dispensées par Mayeul à son amante, la fille de l’aubergiste.

Quant au graphisme de Nicolas Bègue, il se révèle maîtrisé et offre de belles planches. Derrière une couverture mettant en exergue un blason et le duo vedette, le lecteur découvre un trait réaliste, fin et expressif. Alternant les plans et les cadrages pour assurer une bonne dynamique d’ensemble, l’auteur se montre aussi à l’aise dans les séquences en extérieur qu’en intérieur. La double page montrant une vue en surplomb du lieu de la joute est réussie. Enfin, la mise en couleurs de Jean-Paul Fernandez enrobe le tout, créant des ambiances en harmonie avec les différents moments de l’histoire.

Adroitement mené et bien pensé, La brisure ouvre de façon satisfaisante Hérauts. Affaire à suivre.

Moyenne des chroniqueurs
6.0