Les catastrophobes Rions avec la fin du monde

«- Bon, ce n’est pas tout ça cette pandémie. On a les masques, les vaccins et nous nous baignons dans le gel hydroalcoolique régulièrement. Non, ce qui fait vraiment peur ce sont les changements climatiques, la pollution et l’écroulement de la société. Il faut se préparer pour ne pas être pris au dépourvu !
- Tu as raison, mieux vaut assurer le coup. Je vais nous abonner à Disney+ en plus de Netflix et AppleTV+. Il ne faudrait pas se retrouver sans rien à voir si nous nous retrouvions confiné trop longtemps comme la dernière fois. Puis, il faut des chips aussi, nous risquons d’avoir faim.»

Didier Tronchet est un fanfaron fataliste qui a toujours aimé ajouter le pire à l’intolérable. Les Poissart sont pauvres et malades ? Ils seront pitoyables et incultes en plus ! Dans le cas présent, la situation est plus grave. Guerres, crises et incendies géants, il y a de quoi se faire du souci. Ses nouveaux héros, un couple moyen «bidochien» dans lequel la femme garde la tête sur les épaules tandis que le mari peine à comprendre les enjeux, discourt et tente de planifier la vie d’après. Aphorismes tirés des spécialistes de chaîne d’info en continue, décalage continu et piques envers les négationnistes de tous bords, le scénariste fait ce qu’il sait faire de mieux : il tremble et se réfugie dans l’humour, noir évidemment.

Le message d’urgence n’est plus à souligner. N’importe quelle personne à peu près informée est consciente de l’état de la planète. Plutôt que d’asséner une leçon de responsabilité ou de l’importance du tri des déchets, Tronchet a placé sa caméra au niveau de l’individu, de celui qui, face aux prédictions du GIEC, ne sait pas comment réagir. Ses personnages, à l’image de beaucoup, voudraient tellement faire la différence et prendre les bonnes décisions. Leurs élucubrations et leurs interrogations démontrent simplement l’immensité de la tâche à venir. Plus largement, au-delà de leurs maladresses et leurs faiblesses, il s’agit bien de la part d’humanité d'un tout un chacun et des peurs partagées dont il est question.

Mise en page minimaliste dans la lignée des Aventures de Toi et Moi ou de Sacré Jésus !, trait rapide sans fioriture et un savant mélange d’absurde et de pessimisme, Les Catastrophobes n'est finalement qu'une énième démonstration de la célèbre phrase de Chris Marker expliquant que le rire est la politesse du désespoir. Heureusement, c’est également et avant tout un très bon album, aussi drôle qu’apeurant.

Moyenne des chroniqueurs
6.0