Écoute, jolie Márcia

R io de Janeiro, aujourd’hui. Dans le quartier, c’est impossible de ne pas remarquer Márcia. Imposante silhouette à la voix qui porte, elle peut impressionner, mais c’est une véritable crème. Infirmière, elle travaille fort à l’hôpital et fait même des heures sup’ au noir auprès d’une vieille dame atteinte d’Alzheimer. Fatiguée de ses longues journées, elle a toujours un gentil mot quand quelqu'un la croise. Pourtant, ce n'est pas facile tous les jours. Entre sa fille, Jaqueline qui traîne avec les caïds de la Favela et les trafiquants de tous poils qui hantent les lieux, Márcia doit se battre afin de conserver sa dignité et sa droiture. Résultat, elle n’a pas souvent le temps de s’arrêter pour boire une bière et papoter un peu…

Album après album, Marcello Quintanilha raconte le Brésil et les Brésiliens. Sous la forme du polar (Tungstène), d’adaptation de classiques littéraires (L’Athénée), de récits sociaux (Lumières de Niteroi ou psychologiques (Talc de verre), il y parle de son pays d’origine, de la situation économique désastreuse et de ces étranges codes sociétaux qui font de la corruption un mode vie et de la violence la réponse à tous les problèmes. Écoute, jolie Márcia rassemble tous ces styles sous la forme d’un véritable roman particulièrement incarné.

Mère courage ou victime désignée ? Márcia s’avère être bien plus que ça ! Personnage central aux multiple facettes, celle-ci occupe tous les instants de ce généreux ouvrage aux couleurs éclatantes. Le portrait qu’en dresse l’auteur se montre tout bonnement incroyable de richesse et de vérité. Femme forte et résiliente, oui, elle l’est, comme toutes les mamans qui veulent le meilleur pour leurs enfants. Elle est aussi fragile et écrasée à force de vouloir porter sur ses épaules le poids des angoisses et des colères de son entourage. Si le scénariste ne lui épargne rien, il le fait sans misérabilisme ni fausse piété. Mieux encore, il l’accompagne attentivement et l’entoure de la douceur infinie dont le peuple brésilien est également capable. Il y a, certes, des truands, mais il existe surtout les copines du travail, son petit ami et les coups de pouce de quelques médecins plus fortunés ayant bien compris la place cruciale qu’elle tient au milieu du chaos qu’est le Brésil actuel.

Fureurs, larmes, incompréhensions et rédemption, mise en images audacieuse, construction dramatique tendue et maîtrisée, Marcello Quintanilha réussit un coup de maître avec Écoute, jolie Márcia. Véritable roman graphique au premier sens du terme, il s’agit simplement d’une des bandes dessinées les plus fortes du moment.

Moyenne des chroniqueurs
8.0