Buonaparte 1. Sainte-Hélène

L e 5 mai 1821, sur une île battue par la pluie, entouré par ses proches, l’homme qui a fait trembler l’Europe entière vient de rendre les armes. Pour toujours. Aussitôt informé, Hudson Lowe, gouverneur de Sainte-Hélène, se souvient des circonstances qui les ont conduits, lui et l’Ogre corse, à se faire face pendant cinq ans sur cette terre ingrate perdue dans l’Atlantique Sud. Vaincu à Waterloo, Napoléon Bonaparte s’est rendu librement au commandant de la flotte britannique, pour se mettre sous la protection de son ennemi d’hier. Mais il fait encore trembler les têtes couronnées et l’Angleterre l’exile au loin. Sur le navire qui l’emmène vers son ultime geôle, l’empereur, fidèle à lui-même, fascine autant qu’il agace ses gardiens galonnés. Ce n’est que le début.

En ce bicentenaire de la mort du vainqueur d’Austerlitz, les commémorations vont bon train et prennent la forme de cérémonies et d’expositions adaptées en raison de la crise sanitaire, de documentaires, de conférences ou encore de publications diverses sur le personnage, encensé ou décrié. Tandis que beaucoup s’intéressent à ses hauts faits, de son ascension à sa chute, cet album coscénarisé par Rudi Miel et Fabienne Pigière s’attarde plutôt sur les dernières années de son existence, moins connues.

Dans ce volet, les auteurs choisissent de suivre les trajectoires croisées de Napoléon et d’Hudson Lowe. Partant du décès de l’empereur des Français, ils reviennent en arrière pour raconter comment les deux hommes se sont rencontrés et mettre l’accent sur leurs points communs – la Corse (île natale de l’un, lieu des premières armes de l’autre) ou encore l’Égypte (où tous deux ont fait campagne). Les deux portraits se dessinent progressivement : la disparité entre les caractères des personnes principaux apparaît assez vite, le pointillisme rigide de l’Anglais promettant de se heurter aux manières de son célèbre prisonnier. D’ailleurs, avec son appétit de vivre et son charisme, ce dernier ne manque pas de susciter une certaine sympathie, y compris chez les marins adverses, durant la traversée le menant en exil.

De facture classique, le dessin d’Iván Gil, accompagné des couleurs d’1ver2anes, illustre agréablement le récit. Les protagonistes se révèlent reconnaissables autant qu’expressifs, même s’ils ne dégagent pas d’aura particulière – dommage. La mise en scène offre des plans et angles variés qui permettent de passer de vues panoramiques à des cadres plus intimistes. Les extérieurs ainsi que les bateaux sont bien rendus. Bien documenté, le dossier final recèle des informations mettant les événements en perspective.

Bien mené sur le fond et dans la forme, ce Buonaparte constitue une lecture intéressante qui pourra plaire à la fois aux passionnés de l'époque concernée et aux curieux.

Moyenne des chroniqueurs
6.0