Les bonshommes de pluie

P our changer d'air pendant les vacances et oublier le déménagement qui l'attend à la rentrée, Héloïse part camper avec sa tante, son oncle, sa petite cousine et son cousin, Théo, sur la côte d'Opale. Même si le beau temps n'est pas forcément au rendez-vous, son séjour démarre bien et les fous rires ne manquent pas. Lors d'une après-midi avec Théo, elle remarque un groupe de garçons dont un lui plait bien. Faire sa connaissance ne lui déplairait pas, même si les garçons sont parfois un peu stupides, surtout lorsqu'ils lancent des défis...

Ah, les grandes vacances... Dès la couverture, l'invitation est claire : les plages, les soirées sous la tente, les escapades à la nuit tombée (et leurs explorations), ses premiers coups de cœur aussi. Tout cela, Héloïse va le vivre mais, loin de servir une énième bluette, François Duprat lui réserve d'autres desseins. En partant d'une situation banale, l'artiste de L'année du dragon et L'année de la chèvre (avec Vanyda chez la Boite à Bulles) aborde sans en avoir l'air un sujet plus sérieux. Il va faire se télescoper le destin de ses jeunes personnages avec celui d'un groupe d'exilés qui fuient leur pays pour de meilleurs cieux. À cet effet, le choix du lieu de villégiature n'est pas anodin puisque c'est un endroit connu pour être un des points de chute hexagonal des migrants en attente d'une occasion de rejoindre l'Angleterre.

Aux saveurs estivales, châteaux de sable, baignades et barbecues, délicieusement représentés, le mystère s'ajoute lentement. Au cours de leurs explorations, les gamins vont s'apercevoir que leur terrain de jeux n’est pas inhabité. L'auteur entoure cette présence discrète d'une part d'inconnu qui suscite l'inquiétude chez les plus jeunes comme la police locale. Le suspense monte ainsi crescendo et, une fois surmontée son appréhension, Héloïse, loin d'être aussi fermée que nombre d'adultes, va découvrir le fin mot de l'histoire. Elle apprend, et le public avec elle, que la peur est bien souvent partagée et la situation des exilés compliquée. À travers les yeux de ses jeunes personnages, l'auteur va montrer que derrière ces flippants bonshommes de pluie, il y a des histoires de vie. Sans misérabilisme ni complaisance, il expose avec justesse la situation sous un angle peu fréquent pour le public visé.

Ces Bonshommes de pluie sont plus qu'il n'y parait. La première apparition de François Duprat aux Éditions de la Gouttière s'avère une évidence tant il colle à la ligne éditorial de la maison. De son style graphique dans la lignée de Dawid ou Stéphane Sénégas et le propos, à l'image des Enquêtes polar de Philippine Lomar, destiné aux jeunes lectrices et lecteurs sans les prendre pour des idiots, cet album a toute sa place dans leur catalogue.

Moyenne des chroniqueurs
6.0