Le canonnier de la Tour Eiffel Le Canonnier de la Tour Eiffel

T ous les jours à midi, un homme tire un coup de canon depuis le deuxième étage de la tour Eiffel. Les plus riches en profitent pour régler leur montre, les moins nantis savent quant à eux où ils en sont dans leur journée. Ce n’est pas le seul métier insolite à Paris au début du XXe siècle. Il y a aussi le ramasseur de mégots, la vendeuse de lait d’ânesse dont la composition se révèle comparable à celui du breuvage maternel, sans oublier le ministre de la mort, un sinistre individu qui vide les appartements des défunts. Puis il y a, évidemment, les carrières davantage traditionnelles, par exemple les filles de joie… finalement pas si joyeuses.

Camille rêve à l’amour. Il n’a jamais vu sa bien-aimée, ce qui ne l’empêche pas d’inlassablement sculpter son visage dans la glaise. Lorsqu’il la croise brièvement, il la reconnaît immédiatement et lui donne rendez-vous pour le lendemain. Mais la vie est facétieuse. À l’image de Pierrot et Colombine, les tourtereaux semblent victimes d’une malédiction les empêchant de se retrouver. Après un premier rencard manqué, ils se cherchent dans les rues d’une Paname où les brigands font la loi.

Le scénario est signé Hervé Richez et Jack Manini ; ce dernier relate déjà les aventures de La fille de l’exposition universelle, une série ayant pour cadre les mêmes époque et lieu. L’historiette est mignonne, les chemins conduisant à la conclusion, forcément heureuse, sont ponctués de rebondissements permettant de mettre de l’avant les nobles valeurs de loyauté, d’entraide et de générosité portées par les protagonistes. Les personnages se montrent archétypaux ; les amoureux sont jeunes et naïfs, les patriarches gentils et débonnaires et les méchants, cela va de soi, dénués de toute morale.

Le dessin semi-réaliste de David Ratte sert bien le conte. Sa représentation de la capitale, où tout est beau et propre, apparaît toutefois en porte-à-faux avec le récit qui en dévoile des facettes sombres. Mais qu’à cela ne tienne, après tout, ce n’est pas la première fois que la métropole affiche des airs de cartes postales. Le projet bénéficie d’une distribution impeccable. Les soupirants ressemblant à des anges et les vilains exposant leurs sales bobines, le lecteur ne peut pas se tromper. Mention à quelques points de vue de la dame de fer représentée avec un exceptionnel souci du détail.

Une jolie fable dans laquelle les auteurs font d’une pierre d’un coup. D’abord, raconter une agréable bluette, et ensuite, rappeler les improbables petits boulots pratiqués il n’y a pas si longtemps.

Moyenne des chroniqueurs
6.0