Mitterrand et ses ombres

A u terme de son second septennat, François Mitterrand se confie à une reporter. Il lève le voile sur trois affaires auxquelles il a été mêlé dans les années 1950. D’abord une fuite de documents, ensuite un attentat à la roquette, puis une machination faisant croire qu’il a été victime d’une tentative d’assassinat. Sur fond de tensions géopolitiques en Indochine et en Algérie, la magouille atteint des sommets.

Patrick Rotman relate le crépuscule de la Quatrième République, vues à travers le prisme d’un ministre ambitieux. Le livre se présente sous la forme de confessions, mais l’allure générale est celle d’un polar fait de sorties nocturnes, de rencontres clandestines, de complots, de notes confidentielles, de trahisons et de maîtresses. Le biographe insiste d’ailleurs sur les innombrables liaisons extraconjugales du futur chef d’État, comme s’il voulait rappeler que l’infidélité se nourrit, elle aussi, de mensonge et de manipulation.

Le scénariste fait dire à celui qui est mort en 1996 que l’information ne pourra être publiée que vingt-cinq ans après son décès. Le lecteur de Mitterrand et ses ombres a ainsi l’impression d’avoir accès à des révélations jusque là inédites. De nombreuses personnalités publiques étant nommées et incriminées, la démonstration a du reste toutes les caractéristiques d’un travail journalistique rigoureux. Mais est-ce le cas ? L’auteur laisse le bédéphile se débrouiller avec le récit, sans lui indiquer quels éléments sont avérés, les actes qui demeurent hypothétiques et ceux relevant de la fiction. Par ailleurs, les personnages se multipliant, il aurait été utile de proposer de courtes biographies afin qu’il s’y retrouve un peu plus facilement.

Le dessin réaliste de Jeanne Puchol convient bien à ce reportage. Dans ce projet reposant sur les dialogues, elle se révèle particulièrement habile à dessiner les visages de ses comédiens qui jouent tous très juste. Son souci du détail dans la reproduction des lieux et de l’époque est également apprécié.

Un thriller politique réussi, même si des zones d’ombres persistent.

Moyenne des chroniqueurs
6.0