Le tatoueur Le Tatoueur

A yant été forcé de quitter Budapest pour échapper à quelques fâcheux, Zoli s’est installé à Paris. Tatoueur de renom (un des meilleurs, selon les spécialistes), il peut heureusement travailler n’importe où sans que ça pose problème. Oiseau de nuit, il se la joue discret. Trahi par son accent, un chauffeur de taxi d’origine hongroise et particulièrement disert entame avec lui une conversation à sens unique. Fatigué et peu intéressé par ce discours étrange, Zoli se laisse bercer par le flot des mots. Il aurait dû être un peu plus attentif aux paroles de l’affable conducteur. En effet, cette innocente course marque le début d’un chaîne d’évènements aux ramifications innombrables et insoupçonnables.

Le Tatoueur
est né d’une rencontre entre Matz et Attila Futaki. Ce dernier, très actif dans le monde des comics, avait apprécié Le Tueur, tandis que le dessin et les ambiances sombres du dessinateur hongrois avaient marqué le scénariste de Tango. L’envie de réaliser un projet commun fut immédiate et réciproque. Quelques années après, cette collaboration a pu se concrétiser en prenant la forme d’un album tendu, léché et sans concession.

Polar noir sous le signe de l’aiguille, des encres et de la peau, le scénario ne s’encombre pas d’explication inutile ou de longs discours. Un personnage au passé « chargé » se trouve malgré lui dans une machination nébuleuse et expéditive. Les pourquoi et les comment passeront plus tard, l’important, pour l’instant, est d’en sortir vivant. Le style direct de Matz est immédiatement reconnaissable, un peu trop malheureusement. Récitatifs amers renvoyant les différents camps dos-à-dos, actions violentes nécessaires afin de « nettoyer » la société et d’envoyer un message clair aux dirigeants, sans oublier un héros ne pouvant compter que sur lui-même, tout ça sent le déjà-vu et une certaine facilité. Et quid du métier du protagoniste principal qui donne le titre à l’ouvrage ? Une simple curiosité au final, car n’importe quelle autre activité un peu indépendante aurait aussi bien pu faire l’affaire sans que ça ne change rien au déroulement de l’histoire.

Graphiquement, Futaki rend une copie propre et carrée. Le découpage très aéré lui permet d’offrir un festival de vues urbaines et nocturnes de toute beauté. Le rendu froid et grisonnant se montre implacable et même impitoyable quand des traînées de sang d’un rouge écarlate viennent traverser les cases. Un peu plus de nuance, spécialement pour les intérieurs qui baignent dans une lumière semblable à celle de l’extérieur, aurait cependant été bienvenu pour gagner en lisibilité. Détail secondaire, car l’ensemble se révèle être d’un très bon niveau.

Thriller glaçant, mais dépourvu de réelle surprise, Le Tatoueur est une lecture droite et franche portée par des dessins à l’unisson de son ton direct et inexorable.

Moyenne des chroniqueurs
5.3