Le masque aux mille larmes 2. Pour prix de mes tourments

D ans un Japon de légendes où les conflits territoriaux sont incessants, Sadakïo a vu son mari mourir au combat. Tout n’est pourtant pas perdu, la croyance populaire veut en effet que le masque aux mille larmes puisse lui permettre de retrouver son bien-aimé aux enfers. Le moulage est conservé au château des Takedo, où elle est embauchée comme servante. Le seigneur des lieux devrait porter toute son attention sur une énième guerre de clans, mais il remarque la jolie veuve qui profite de ce privilège pour manœuvrer et s’approcher de l’objet convoité.

Avec Pour prix de mes tourments, David Chauvel conclut Le masque aux mille larmes, un diptyque présentant la métamorphose d’une femme. D’abord épouse modèle et soumise, elle prend en main son destin. Ne s’arrêtant pas en si bon chemin dans son processus d’affirmation de soi, elle se venge avec fracas d’un monde qui l’a blessée. La conclusion, spectaculaire, s’inscrit habilement dans la mythologie nippone.

Cette trame narrative n’est pas inintéressante. Le lecteur se demande néanmoins si les considérations géopolitiques apportent beaucoup au propos. Il a d’autre part l’impression que le scénariste ne sait trop que faire de Masamura. Fidèle compagnon de la jouvencelle pendant tout le premier acte, il est réduit au rang de gladiateur dans le second. Certes, ces récits secondaires illustrent l’omniprésence de la violence de la société ; ils parasitent cependant l’intention de cette courte anecdote.

Le dessin réaliste de Roberto Ali est à la hauteur du projet. Les décors sont réussis et les monstres tout droit sortis du pandémonium apparaissent terrifiants. Les expressions des acteurs sont toutefois moins convaincantes, il y a du reste quelque chose d’inabouti dans les émotions présentées sur les visages, et dès qu’elles quittent l’avant-plan, les figures sont rapidement exécutées.

La composition des planches se révèle audacieuse, l’artiste change constamment le rythme, notamment en faisant se succéder les plans très larges et très étroits. Ces cases allongées, à la verticale comme à l’horizontale, favorisent les points de vue rapprochés, par exemple pour explorer les traits d’un personnage ou encore mettre en évidence un détail d’une scène particulièrement glauque.

Bref, qu’on se le tienne pour dit, il ne faut pas badiner avec le purgatoire.

Moyenne des chroniqueurs
6.0