Les Âges perdus 1. Le Fort des Landes

L 'apocalypse a bien eu lieu lors du passage à l'an mil, et avec elle, toute trace de civilisation a disparu. Seule une poignée d'hommes y a échappé. Ils se sont terrés en attendant le retour du soleil. Quelques années plus tard, des clans nomades se sont constitués, devenant chasseurs pour survivre et guerriers pour échapper aux écorcheurs, un gigantesque hybride d'ours qui décime leurs rangs. En proposant de cultiver la terre, sans le savoir, le chef Primus Moor va condamner la majeure partie de sa tribu à sa perte. Aux autres, à l'exil...

« la nature reprit violemment ses droits. Et tout dehors n'était que péril, menace et destruction. »

Jérôme Le Gris a décidé de refaire le monde. Après avoir scénarisé les séries Horacio d'Alba et Serpent Dieu, il laisse divaguer son imagination, gommant une part importante de l'histoire de l'humanité, pour inventer et en réécrire la suite, à sa guise. Un reset qui lui offre la possibilité d'envisager une hypothèse de reconstruction particulièrement crédible et qui happera le public pour l'emmener jusque dans les entrailles de sa trame. Dans cet univers redevenu primaire et sauvage, la pérennité est l'enjeu et la priorité de chacune des nouvelles peuplades. Un meneur de bande, dernier héritier des nombreuses connaissances ancestrales, avant que celles-ci ne partent en fumée, bouscule et remet en question les règles établies, en démontrant que le maraîchage peut venir solutionner la pénurie de viande. Mieux qu'un compromis, cela passe par une indispensable sédentarisation, un sacrifice qui va à l'encontre de l'essence même de ces populations en perpétuel mouvement. Les bonnes idées scénaristiques saupoudrées, la richesse de l'environnement ainsi que la brutalité du propos cassent les codes standards des multiples synopsis post-apocalyptiques. C'est l'intérêt qui en est directement impacté et largement bénéficiaire.

Pour appuyer le récit, Didier Poli (Les Seigneurs de guerre, L'Enfant de l'orage) arrose son dessin d'un joli panel de couleurs ternes, seules quelques éclaircies de teintes viennent souligner l'espoir et les rares moments de quiétude et d'amour. Le trait, réaliste et de très bonne facture, permet au lecteur de pouvoir être aspiré par certaines scènes d'action afin d'y participer pleinement.

Le fort des Landes, première bataille des Âges perdus, trouve les arguments pour se singulariser et se démarquer à bon escient de ce qui se lit habituellement.

Moyenne des chroniqueurs
6.7