Tarzan (Bec) 1. Seigneur de la jungle

L es pleurs d'un bébé résonnent dans la nuit noire. Attirés par ce bruit incongru qui rompt le calme de la jungle africaine, des silhouettes massives se glissent et pénètrent dans la cabane. Après s'être débarrassé d'un coup de patte de l'occupant qui veillait, les menaçants prédateurs s'emparent du nourrisson et s'enfuient parmi les arbres. Plusieurs années sont passées et le garçon a grandi…

Qui ne connait pas Tarzan ? Christophe Bec s'attaque à ce classique de chez classique d'Edgar Rice Burroughs, variation de la légende de l'enfant sauvage, au même titre que Mowgli dans Le Livre de la jungle de Rudyard Kipling, œuvre antérieure. La bande dessinée s'attache à respecter le roman d'origine, que le cinéma et Disney avaient quelque peu déformé. Une séquence muette débute le récit, déroulant l'enfance du héros en laissant s'exprimer les illustrations. Une voie off prend le relai, dévoilant les pensées de l'homme et des singes. Le lecteur le voit évoluer, grandir et souffrir, attiré naturellement par les restes de sa civilisation tout en continuant son apprentissage chez les bêtes sauvages. Puis l'intrigue se décale sur le groupe d'explorateurs qui débarquent par la suite, montrant bien le climat tendu qui règne entre les différents membres de l'expédition et la mentalité de l'époque, colonialiste et prétentieuse, qui s'oppose bien évidemment à l'innocence de Tarzan. La narration se révèle fluide et claire et la construction des personnages est progressive ; si la violence est bien présente, elle ne tombe jamais dans la surenchère. À un final, une réelle authenticité se dégage.

Exit le domaine fantastique de M.O.R.I.A.R.T.Y, Stevan Subic met son style réaliste au service de ce scénario sombre et captivant. Le dessinateur utilise beaucoup la variation des orientations de ses cases (en portrait, en paysage), les inclusions, des contours blancs très fins, des cadrages et des points de vue variés, le dessinateur a assurément beaucoup travaillé sa mise en page pour en faire une lecture dynamique et cinématographique. Un grand bravo aussi pour la restitution de la faune et de la flore, très crédible dans leur posture et leur expression pour la première. Seul bémol, les couleurs franches faites à l'ordinateur, leur côté froid et artificiel gâchent un peu l'ambiance exotique du cadre de l'action.

Très bon travail de la part des deux auteurs qui ont réussi à restituer le souffle originel du roman et à donner l'envie de redécouvrir cette histoire certainement galvaudée et délayée par tant d'interprétations.

Moyenne des chroniqueurs
5.7