La météorite de Hodges La Météorite de Hodges

R ien ne différenciait ce 30 novembre 1954 d'un autre jour. La ville de Sylacauga, dans l'Alabama, ne devait jusqu'alors sa renommée qu'à ses carrières de marbre blanc. C'est alors que survint un incroyable incident. Ann Elizabeth Hodges, une femme au foyer, était couchée dans son canapé, en train d'écouter la radio. Soudain, un bruit assourdissant retentit et elle fut saisie d'une vive douleur. Une météorite venait de traverser le toit de sa maison, avait rebondi sur la radio, et percuté sa hanche, avant de finalement rouler sur le sol.

Quelles étaient les probabilités qu'un être humain soit frappée par un corps céleste ? Un chercheur l'a dernièrement estimée à 1/1.600.000 (pour un choc mortel), sachant qu'il tombe en 84.000 par un sur Terre, avec un poids variant de dix à quatre cents grammes. Il n'en fallut pas plus pour en faire une célébrité locale, d'autant qu'elle était la première victime recensée. Elle se mit à espérer que sa vie allait changer. Mais, à l'instar d'une étoile filante, sa notoriété fut éphémère et ne lui apporta rien de ce qu'elle avait espéré. Pire, elle fut au centre d'une querelle judiciaire qui la laissa endettée, humiliée par une photo prise à son insu et dépossédée de son histoire.

Il plane une ombre envahissante sur La météorite de Hodges : celle de Chris Ware. Dès le format extra large de la maquette, l'influence de ce dernier se fait sentir. Le contenu continue de payer un tribut évident à l'auteur de Acme Novelty Library, que ce soit dans la mise en page, le dessin faussement simple, le propos qui mélange distance presque clinique et, pourtant, une vraie empathie pour son personnage. Même si le résultat dépasse le pastiche, il reste difficile de faire abstraction de ce sentiment de déjà-vu.

Fabien Roché réalise malgré tout un album intéressant qui évite le piège de la simple reconstitution d'un fait divers. Il livre une enquête fouillée des différents aspects de cet événement, mêlant les aspects humains, scientifiques et légaux. Il s'intéresse tout autant à l'origine cosmique du phénomène qu'à la dimension finalement anecdotique d'un drame intime. Son récit possède en effet deux héroïnes : une chondrite, morceau de roche sans intérêt particulier et une femme à qui il est arrivé quelque chose d'improbable, dont elle a tenté, sans succès, de pouvoir tirer un petit profit. Elle aura juste laissé son nom à ce morceau d'étoile... et encore, Hodges était le patronyme de son mari, dont elle divorça quelques années après l'incident. Le sien était Fowler. De plus, elle n'est plus la seule à avoir subi pareille mésaventure. D'autres cas sont survenus depuis. Elle n'est même plus la première. Un cas antérieur a été identifié en Irak, en 1888, et un autre pose question à Milan en 1677.

C'est finalement un sentiment de tristesse qui domine, capturé dans un bel écrin, mais rappelle trop l'univers de l'auteur de Rusty Brown et Jimmy Corrigan pour être complètement convaincant.

Moyenne des chroniqueurs
6.0