Anatole(s)

V ous ne connaissez sûrement pas cet Anatole et pour cause, c’est un parfait inconnu. Pourtant, à y voir de plus près, son existence ressemble étrangement à la vôtre. Une enfance classique parsemée de petits drames et de grands bonheurs, suivie d’une adolescence faussement compliquée. Puis, l’âge adulte, des rencontres, un boulot, un couple, un mariage qui ne durera pas, malgré l’arrivée d’une fille et c’est déjà la retraite et la vieillesse. Vous voyez bien, c’est un peu comme pour vous.

James réinvente avec beaucoup d’acuité le portrait biographique dans Anatole(s). À raison d’un gag d’une planche par année, il raconte avec drôlerie et tendresse la destinée d’un monsieur-tout-le-monde. Pas d’aventures incroyables, ni de suspens à couper le souffle et encore moins d’explications sociologiques, juste un alignement d’instantanés révélateurs ou pas. Le procédé semble simple, presque simpliste au départ, avant de se révéler prenant et crispant alors que le temps commence à filer tel le sable dans le creux de la main. Heureusement, pour contrecarrer l’inévitable qui s’annonce, l’ensemble est rythmé par un humour omniprésent. Les gags se montrent bon enfant ou très noirs s’il le faut, voire grinçants ou douloureux quand un souvenir ou une situation l’exigent. De plus, comme l’auteur a certainement mis énormément de lui-même dans son personnage, celui-ci s’avère particulièrement tangible et vibrant. Résultat, même s’il ne lui arrive rien d’extraordinaire, il est impossible de ne pas se sentir concerné par cette trajectoire aux rebondissements tellement parlants.

Avec un découpage constant en six cases égales, le dessinateur s’est imposé une contrainte formelle stricte et très révélatrice de son projet. Chaque instant de la vie n’est finalement qu’une pièce du puzzle. Pour autant, aucune monotonie ne transparaît. La mécanique narrative fait que les pages sont totalement autonomes et forment toutes un minuscule chapitre en soit. Visuellement, l’évolution physique d’Anatole est à relever, le poids des ans y est parfaitement retranscrit, une ride à la fois et avec de moins en moins de cheveux.

Touchant, d’une grande sincérité et toujours très drôle, Anatole(s) est un véritable roman au premier sens du terme. Sa force vient de la manière dont James a su y concentrer toutes les étapes et expériences jalonnant la vie de son héros et, plus généralement, celles de tout un chacun.

Moyenne des chroniqueurs
7.0