Le jardin, Paris

R ose, au Jardin fraîchement éclose, a envoûté les habitués du lieu dès son premier spectacle. Charmé, le public est aussi étonné par la silhouette de cette fleur qui pique la curiosité. Car sous ses atours féminins, c’est un jeune homme qui s'élance et danse. Alors, tandis que son succès grandit, que les langues vont bon train, pour commenter ou juger, l’artiste trouve en Aimé, admirateur des débuts, un soutien inestimable.

L’écriture tout en finesse et le trait délicat de Gaëlle Geniller avaient été découverts dans le très poétique album Fleurs de grand frère, paru en mars 2019. Ce début d’année offre l’occasion de les retrouver dans un récit au format plus conséquent et, ainsi, d’en savourer la subtile élégance. Car, Le Jardin, Paris recèle de nombreuses qualités, à commencer par le thème abordé dans cette histoire, celui de l’affranchissement des genres pour définir l’identité et vivre de ses passions – en l’occurrence la danse et le travestissement. Le naturel qui sous-tend la narration, de même que celui du principal protagoniste et de son entourage, parviennent à gommer la plupart des aspérités qui pourraient accompagner un tel sujet. Celui-ci, traité avec pudeur et justesse, entraine cependant des questionnements chez Rose, lorsque le monde extérieur et ses préjugés pénètrent au-delà du cercle plus restreint des pensionnaires du cabaret. La scénariste peut alors développer la psychologie de son personnage et élargir le champ, en quittant la capitale pour la campagne où d’autres rencontres et ouvertures se font jour.

Par ailleurs, la partition graphique assure pleinement son rôle. Sous le coup de crayon fin et expressif, l’univers des années folles est habilement restitué, en coulisses comme sur scène, à travers les toilettes, les coiffures (dont la fameuse « à la garçonne ») et des détails Art déco. Le découpage est soigné et les cadrages variés font la part belle aux scènes plus intimistes, en jouant sur les plans pour des rendus toujours réussis, et sans pour autant négliger les moments festifs. Les quelques deux cents planches de l'ouvrage s'égrènent ainsi en douceur, le lecteur restant suspendu aux pas aériens et porté par l’enthousiasme juvénile de son héros hors-norme.

Un brin sucré, sans être mièvre, Le Jardin, Paris se lit avec un plaisir et confirme le talent de son autrice à raconter de belles histoires.

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