Une vie toute tracée

L orsque Jean suit sa compagne en République tchèque, c’est un peu comme si un nouveau départ lui était offert. Ne sachant trop que faire de sa vie, il passe ses journées à s’occuper de sa fille. Un an plus tard, son père décède. Le Parisien a toujours eu des relations difficiles avec le défunt, mais fouillant dans sa bibliothèque, il réalise, avec un certain étonnement, qu’ils ont des goûts communs. Sur le chemin du retour (quatorze heures en autocar), il rêve à Jack Kerouac et décide d’écrire. Après avoir participé à un atelier, offert par Le cil vert, sur l’écriture automatique en bande dessinée, il découvre l’univers des cases et des bulles.

Une vie toute tracée est le récit de la quête initiatique d’un adolescent attardé que les événements forcent à vieillir. Changement de pays, décès d’un parent, aliénation de la maison familiale et abandon de ses souvenirs d’enfance. Pour tout dire, les fils avec ses racines se rompent un à un. Ainsi affranchi de son passé et du regard parental, il peut enfin devenir un homme. Il trouve sa voie, celle de la littérature en général et du neuvième art en particulier. Bref, des mots et des images pour celui qui partageait deux choses avec son paternel : la passion de la photo et l’amour des romans de Boris Vian, Albert Camus et Charles Bukowski.

Faisant appel à un dessin caricatural semblable à celui de Fabrice Erre (mais sans le côté burlesque), l’illustrateur arrive, avec une économie de moyens, à livrer son propos. Prague est une des plus belles villes au monde ? Peut-être, mais l’artiste ne dessine pas des cartes postales. Il choisit la lisibilité : décors quasi inexistants, personnages sommaires et découpage sur le modèle du gaufrier (à quelques exceptions près). Et ça fonctionne assez bien, d’autant plus qu’il ajoute, ça et là, de petites allégories rigolotes qui allègent la narration.

Une histoire toute simple, pour se souvenir que les pommes ne tombent jamais vraiment loin de l’arbre.

Moyenne des chroniqueurs
6.0