Raowl 2. Peau d'âne, la princesse qui pue

R aowl est une bête. Lorsqu’il éternue, il se transforme en prince charmant. L’horreur. Dans sa famille, cette malédiction est transmise de père en fils. Son aïeul, lui, quand il pétait, il se métamorphosait en petit Lapin. La honte ! Une nuit, au milieu d’une forêt, Raowl fait rôtir un poulet devant un glaçon dans lequel est emprisonnée la reine des neiges. À cet instant, des orcs, alléchés par l’odeur de la volaille grillée, viennent le menacer. Aussitôt, fendant le ciel, Peau d’âne fracasse un tronc d’arbre sur la tête des bonhommes verts. Au cours de la bataille, la glace et la princesse qu'elle contenait se brisent en mille morceaux. Afin de s’excuser des dégâts, la prompte massacreuse propose à notre ami de le guider jusqu’à la tanière d’un troll dont d’aucuns racontent qu’il a fait prisonnière l’héritière de tout un royaume.

Tebo maltraite nos mythes et légendes et installe dans la durée un héros aussi puissant que Captain Biceps et aussi peu séducteur que le blondinet de Samson et Néon. Sa réinterprétation des contes de fées à la sauce humour de cabinet fait mouche. Normal, l’auteur caennais s’y connaît en blagues de toilette (In caca veritas, In pipi veritas et l’incontournable Je pète, donc je suis). D’autant plus qu’il s’est déjà frotté à l’exercice du détournement, accompagné de Nicolas Kéramidas, dans l’excellente trilogie Alice aux pays des singes (intégrale éditée le 20 janvier dernier chez Glénat).

A contrario du premier opus, ce volume n’est pas scindé en deux parties distinctes. La narration est fluide et le rythme des pitreries est moins prévisible. Le bédéiste chausse tout de même parfaitement les sandales du faiseur de gags et arrose sa péripétie acidulée, de dialogues jouissifs et bien tournés. Modèle du genre, la conversation entre un nécromancien et des esprits décroche la mâchoire. La dose d’absurde et la stupidité des protagonistes marquent le cousinage avec Kaamelott et la patte si distinctive d’Alexandre Astier se fait sentir. Pré-publié au sein du journal Spirou, Raowl est donc étiquetée série jeunesse. Mais n’en déplaise aux enfants, c’est leurs parents qui suivent d’un regard charmé les mésaventures de la boule de poils.

Tebo a inventé son langage graphique pleinement orienté vers la grosse marrade. Son code le contraint un peu, pourtant il arrive à se renouveler et impressionne par ses idées. Les personnages féminins semblent influencés par le style cartoon de son tchô ami, Zep ; alors que les rôles masculins sont davantage déformés (nez biscornus, oreilles énormes, petites tailles, embonpoint voire rondelets). Le décorum est toujours limpide et ses planches agréablement aérées. Il pose une ligne à l’épaisseur variable sans ajouter le moindre effet de matière, d’aplat ou d’ombres portées. La mise en couleur passe aux révélateurs ses dessins pour un rendu tonique et jubilatoire.

Un bémol : la maquette de la bande dessinée. Le tome inaugural était orange et le second arbore un bleu pâle. Une chose est certaine concernant la troisième escapade consacrée à la Belle au bois dormant, le dos de l’ouvrage va massacrer la rétine des ayatollahs des bibliothèques joliment accordées !

Raowl, Peau d’âne la princesse qui pue possède tous les ingrédients pour inscrire durablement la saga dans les annales. Y’a de la mandale, de la torgnole, des pétoux (sorte de petits pets) et même un bisou. Du grand art !

>>> Lire la chronique du tome 1.

Moyenne des chroniqueurs
7.0