La fille de l'Exposition Universelle 3. Paris 1878

P renant pour décor les expositions universelles parisiennes, le scénariste Jack Manini et le dessinateur Étienne Willem racontent la vie de Julie Petit-Clou, une voyante. Après les rendez-vous de 1855 et de 1867, la voici en 1878. La gamine est maintenant femme, si tout se passe comme prévu, les lecteurs devraient avoir de ses nouvelles jusqu’en 1947. La protagoniste aurait alors plus de cent ans.

La romanichelle est donc de retour pour la troisième fois. Elle a dépassé la trentaine et continue de prédire l’avenir de ses clients, particulièrement nombreux alors que toute la planète est convoquée à Paname. Les affaires s’annoncent bonnes, à un détail près : un tueur rode. Il a déjà fait deux victimes et la chiromancienne semble figurer sur la liste de ses prochaines proies. Heureusement que Franz Gall, un néphrologue, veille sur elle.

L’auteur a trouvé un magnifique filon pour rappeler une centaine d’années fascinantes, celles des grandes découvertes. L’essor technologique fait toutefois des perdants, une réalité illustrée par les déboires d’Alphonse, un des frères de l’héroïne, embauché par une fabrique d’allumettes où les ouvriers sont contaminés au phosphore blanc. À cette époque où l’information ne s’obtenait pas en quelques clics de souris, ces foires permettaient de découvrir le monde et ses inventions. Certaines s’avèreront marquantes (l’énergie solaire, les bougies électriques et les machines à glaçons), d’autres moins, comme cette étude des bosses sur le crâne censées décrire la psychologie (idéalement criminelle) des gens. Cela dit, le cœur du projet demeure l’intrigue policière. Le récit est joyeux et bon enfant, les ficelles se révèlent un peu grosses et le dénouement prévisible, mais comment bouder le plaisir de retrouver cette divertissante smala ?

Le dessin caricatural séduit toujours. Les acteurs de cette comédie burlesque se montrent hyper expressifs, notamment les yeux verts du personnage principal. Faire avancer en âge un être de papier, surtout féminin, constitue un défi que l’artiste relève avec assurance. La dame à la mèche rousse et aux taches de rousseur reste aisément reconnaissable d’un album à l’autre, alors que son visage s’amincit doucement pour devenir plus mûr. Mentionnons enfin le très beau travail de découpage : cases en forme de lame de guillotine lors d’une décapitation, ronde en écho à l’architecture du Palais du Trocadéro ou aux contours incertains pour illustrer l’effroi. Plusieurs planches ont par ailleurs l’allure de vitraux, parfaitement symétriques avec une vignette ronde au centre.

Une série et une jolie brune qui vieillissent très bien.

Moyenne des chroniqueurs
7.0