La maison qui rêvait

I l était une fois une maison un peu perdue au sein d’une grande ville. Un peu biscornue, pas vraiment dans le même style que le reste du quartier, mais jolie quand même. En gros, c’était une demeure similaire à beaucoup d’autres, quoique différente ici ou là. Certains la disaient hantée, voire vivante, allez savoir. Ah, si les murs pouvaient parler…

Entre livre illustré jeunesse et bande dessinée classique, l’élusif Max Braslavsky (son dernier album date d’il y a plus de dix ans) n’a pas su choisir et propose une histoire à la frontière des genres. Récit initiatique contrarié d’un côté, fable fantastique de l’autre, le scénario suit un immeuble étrange qui semble influencer le sommeil de ses résidents. Pas de diablerie pour autant, ces impressions ou ces rêves restent tout ce qu’il y a d’acceptable. Un narrateur/conteur sert de guide au lecteur, celui-ci lui apprend rapidement que l’origine de cette situation aurait à voir avec la personnalité énigmatique de son architecte, George-Edmond d’Eyquerre. Entre révélations et explications sur le pourquoi du comment, l’intrigue prend alors de multiples directions, mêlant destinées incomprises et rêves inassouvis. Sympathique et regorgeant d’idées originales, l’ouvrage peut cependant dérouter en raison de son découpage hybride qui brise régulièrement le rythme de lecture. Heureusement, passé outre ce défaut mineur, le voyage se révèle avant tout merveilleux et amusant.

Graphiquement, le dessinateur ne peut pas nier son parcours dans le monde de l’animation. La mise en page ressemble à celle d’un story-board de cinéma et certaines scènes se confondent avec des cello de dessin animé. Néanmoins, comme ces emprunts visuels ne gênent en rien, l’ensemble s’avère cohérent et parfaitement lisible. En star incontestée, la maison est évidemment au centre des débats. Les innombrables vues de ce cette dernière se montrent particulièrement inspirées, élégantes, remplies d’humour et de tendresse (oui oui, une construction de briques et de ciment peut faire preuve de gentillesse). Les passer trop vite serait d’ailleurs une erreur, tant ces grandes planches regorgent de détails plus ou moins cachés.

Agréable album à lire ou à se faire lire, La maison qui rêvait est également un joli exercice de style formel, jouant tant sur les codes du Neuvième Art que ceux du conte.

Moyenne des chroniqueurs
6.0