Elecboy 1. Naissance

À l’aube de l’an 2122, le monde n’est plus. Aride et dépeuplée, la Terre est écrasée par un soleil brûlant. Quelques poches de rescapés tentent de "refaire société", alors que des intelligences artificielles paraissent engagées dans une guerre dont les enjeux dépassent la survie de l’espèce humaine. Au sein de l’une de ces petites communautés, Joshua s’éprend de Margot. Cette dernière n’est autre qu’une des héritières du clan qui domine la collectivité. Porté par un instinct belliqueux, son frère Sylvio refuse cette relation et ambitionne même de prendre sa sœur comme nourricière.

Après avoir servi de son meilleur geste le scénariste Christophe Bec (Carthago Adventures, Eternum), Jaouen Salaün accomplit son désir d’accoucher d’un album en qualité d’auteur complet. Pour l’illustrateur, tout commence il y a dix-huit années. Depuis cet hiver 2002, une sensation étrange lui trotte dans la tête. Et à maintes reprises, il a essayé d’ordonner sa pensée et de mettre des mots sur cette idée. Toutefois, les différentes versions du scénario sont abandonnées les unes après les autres. Au tournant de ses quarante printemps, le projet est une énième fois ressuscité. Seulement, ce coup-ci, son entreprise aboutit enfin à la confection du premier acte d’Elecboy qui arbore, comme un symbole le sous-titre Naissance.

Maturé de longues dates donc, cet opus introductif d’une tétralogie de science-fiction dégage un fort parfum de tragédie grecque. L’amour impossible tutoie la volonté des dieux ; et l’inceste défie le concept de la lutte des héros contre leur destin. Hormis une séquence liminaire un peu fade, la narration gagne rapidement en intérêt à mesure que les protagonistes s’épaississent. Pourtant, le bédéiste ne joue pas cartes sur table. Les intrigues sont dévoilées à pas feutrés laissant encore planer un important secret relatif aux velléités des êtres supérieures (et « sûrement » technologiques).

La proposition graphique constitue l’atout majeur de cette bande dessinée. L’artiste se surpasse et régale au passage la rétine du lecteur. Le rendu est tout à la fois immersif et aéré. Les séquences d’action, les émotions, les divers plans et cadrages sont parfaitement structurés. D’autant que le virtuose ne faiblit pas sur la longueur et chaque planche bénéficie d’une attention particulière. Quant à la mise en couleur, elle résonne au diapason. Les tons ocre et sablonneux renforcent l’aspect post-apocalyptique du récit. Et l’ensemble est rehaussé d’un travail de la matière assurant un visuel d’une nature peu commune.

Le volume inaugural de la série Elecboy remplit son rôle de tome d’exposition. La trame narrative est esquissée, les personnages prennent corps, les rivalités sont installées et les nombreux mystères abreuvent le spectateur de questions et d’envie de poursuivre l’aventure. Tant mieux, puisque si la pandémie nous prête vie, la suite est prévue (et attendue) pour l’automne prochain.