Le château des millions d'années 1. L'Héritage des Ancêtres

F riedrich Saxhäuser, la quarantaine, agent du SD-Ausland (renseignement politique extérieur du Reich) s’amourache d’une belle et jeune héritière prussienne. Le cousin de la demoiselle, Baldur Von Schirach (organisateur des jeunesses hitlériennes) en a fait une figure de la propagande Nazi et la nomme correspondante du journal du parti, dès sa sortie de l’université. Une bonne façon d’éloigner le roturier dévergondé de la noblesse aryenne ; ou simplement un moyen approprié de s’assurer de la fidélité du gradé allemand qui est missionné par Heinrich Himmler. En effet, sous couvert d’une mission archéologique à Hatra, le Reichsführer ordonne au soldat désabusé de sillonner la région de Bagdad afin de vérifier l’allégeance des nationalistes autochtones, si d’aventure l’Allemagne devait entrer en guerre contre la France et l’Angleterre. Seulement, au Moyen-Orient, une découverte vertigineuse tend à bouleverser la marche de l’Histoire.

Le scénariste Richard D. Nolane adapte le roman à succès de Stéphane Przybylski, Le château des millions d’années (édition le Belial, en 2015). L’ouvrage, récompensé du prix révélations Futuriales 2016, adopte un postulat malin. L’écrivain fait un pas de côté et engage, comme personnage principal, un officier SS. Cet anti-héros se révèle plus complexe et plus ambigu qu’à l’accoutumée. Happé dans une quête qui le dépasse, le militaire doute, aime, triche et pis encore. Le cocktail science-fiction/reconstitution historique est bien équilibré et le breuvage s’apprécie jusqu’à la dernière goutte.

En préface de L’Héritage des Ancêtres, volume inaugural de la saga (soit les dix premiers chapitres du livre 1), le romancier égraine ses références et son cahier des charges. Il ne cache pas son amour du flashback et joue de ce procédé au gré des ellipses qu’il provoque pour mieux maîtriser le rythme des avancées de l’intrigue. La transposition de ces mécanismes d'écriture au neuvième art s’avère tout autant efficace et densifie agréablement la lecture.

Zelijko Vladetic accompagne Richard D. Nolane, depuis quelques années (La grande Guerre des Mondes, Wunderwaffen – La nuit des armes miracles, Voitures de Légende – La Coccinelle). Dessinateur talentueux, il évolue dans une veine mainstream aux tonalités réalistes. Dans cet album, la narration est dense et les dialogues abondent. De facto, son gaufrier est fourni et son trait étouffe légèrement. Le calibrage de ses planches aurait mérité davantage de respiration. Seulement, le titre bénéficie déjà d’une pagination élevée (56 pages) pour un format « classique ».

Point positif s’il en est, la couverture d’Yvan Villeneuve est un modèle de réussite. Sa conception triangulaire brosse en une unique illustration, le contenu des scènes à venir : les protagonistes principaux, les magnifiques paysages d’Arabie explorés, la montée du nazisme et l’appel du paranormal. Impeccable !

Documentée, l’ambitieuse tétralogie des Origines de Stéphane Przybylski connaît donc une divertissante parution en bande dessinée en entrant au catalogue des éditions Soleil. Là, entre le Tigre et l’Euphrate, découvrez le berceau de nos civilisations. Mais serez-vous prêts à payer le prix de la connaissance ?

Moyenne des chroniqueurs
7.0