La guerre invisible 1. L'agence

M anfred Fürbringer, ancien nazi et créateur de systèmes de guidage pour fusées pendant la Seconde Guerre mondiale, a fui l'Allemagne. Quelques années plus tard, deux agents de la C.I.A sont chargés de retrouver l'ingénieur en Égypte où il se serait réfugié. Responsable de la mort de plusieurs centaines de déportés, il ne s'agit pourtant pas de le traduire en justice mais, au contraire, de s'attacher ses services et ses compétences à des fins militaires. Pour le débusquer et le piéger avant les Soviétiques qui lorgnent également sur ses compétences, c'est un jeune orphelin qui va servir d'appât au couple d'espions.

Frank Giroud, auteur prolifique de nombreux best-sellers tels que Louis la Guigne et Le Décalogue, s'attaque, avec l'audace qui le caractérise, à une période sombre et charnière d'après-conflit. Dans un contexte de relance économique et industrielle, les grosses puissances alors en quête de suprématie, piochent copieusement dans un vivier allemand riche en talents. Dans diverses spécialités, des scientifiques ont ainsi fait leurs preuves alors qu'ils étaient au service du Reich. Prenant soin de ne pas s'égarer en détours explicatifs inutiles pour traiter un sujet historique épineux et très controversé, la narration parvient à être d'une remarquable limpidité. C'est à partir de cette base forte inscrite dans les mémoires que l'auteur compose des personnages fictifs, se chargeant d'écrire leur histoire, certes romancée mais hautement probable. Bercés par un suspense et une tension palpables, la traque et le bon déroulement de la mission pourraient être ralentis et remis en cause avec l'apparition de sentiments.

Les planches d'Olivier Martin (Sang et Encre, Face cachée) ont été conçues pour donner une large priorité au dessin, en témoignent les nombreuses cases élargies et les brefs échanges prisonniers de bulles assez réduites. Les faciès peuvent apparaitre figés, voire trop peu expressifs mais comment ne pas savourer les arrière-plans très travaillés, constitués des paysages africains ou du Caire des années cinquante, Des atouts supplémentaires qui plaident pour la découverte de cet épisode de la Guerre froide.

Grâce à son scénario prenant et à une très bonne mise en scène, L'Agence, premier acte de La Guerre Invisible ne passera pas inaperçu.

Moyenne des chroniqueurs
7.0