Le long des ruines

D ans le monde physique, quand un proche disparaît et que les forces de l’Ordre ne peuvent plus rien faire, c’est souvent un détective privé qui est appelé à la rescousse. Pour le cas de Rose, la situation est différente. La jeune femme est plongée dans le coma et ne répond plus à aucun stimuli. À première vue, il y a peu de points communs entre neurosciences et fugue adolescente. C’est là que Samuel F. Monroe fait son apparition dans le rôle du limier. Ce dernier a inventé et développé une technique pour explorer la psyché. Étrange, mais ça fonctionne. Il est formel : il ramènera leur fille à ses parents.

Récit de science-fiction, Le long des ruines joue astucieusement sur différents niveaux. La grande aventure sur des terres hostiles côtoie l’introspection et le travail sur soi. Si les voyages et leurs longues étapes ont toujours aidé à la réflexion, Jérémy Perrodeau pousse le bouchon un plus loin et mélange intimement les genres. Obligé de se coltiner Anha, la sœur de Rose, Samuel se lance dans un inconnu fruit des circonvolutions cérébrales de sa patiente. Ce duo classique formé du baroudeur revenu-de-tout et de l’ingénue capricieuse s’engage sur une piste dangereuse et potentiellement mortelle. Obligés de cohabiter, ils vont devoir faire des compromis pour éviter le pire. En fin de compte, ils partage le même objectif.

Embûches, rencontres étonnantes et accords de circonstances avec des adversaires peu engageants, le scénario se déroule comme un véritable thriller haute tension. De plus, tant Monroe que son acolyte vont être obligés de s’interroger sur eux-mêmes et d’accepter de modifier leurs façons d’agir en fonction de la sensibilité de l’autre. Cet ambitieux récit s’avère globalement réussi, même s’il n’arrive jamais à se débarrasser d’un petit sentiment de désincarnation : quid de cette société futuriste si bien montrée en début d’ouvrage ? Comment se fasse que cette famille ait pu construire une telle habitation déconnectée de celle-ci ? Tout n’a pas besoin d’explication, mais quelques précisions glissées ici et là auraient donné plus de cohésion au scénario, tout en offrant quelques instants de respiration à l’interminable cheminement des deux héros.

L’ombre de Brüno continue de guider la plume de Perrodeau. L’influence est indéniable, même si un commencement de personnalité point ici ou là au fil des pages, surtout grâce à un trait plus fin et un encrage moins appuyé. Il y a pire comme modèle, même s’il est quasi-impossible de ne pas jouer au jeu des comparaisons et d’imaginer ce qu’aurait fait le dessinateur de Biotope dans telle ou telle scène. Le résultat se montre néanmoins solide, particulièrement au niveau du découpage et de la fluidité. L’excellente gestion des moments de silence est également à relever.

Lecture prenante dotée d’une réelle profondeur d’écriture, Le long des ruines possède toutes les qualités pour s’attirer l’intérêt et les suffrages des amateurs exigeants de SF « sérieuse ».

Moyenne des chroniqueurs
7.0