Rêveries d'Emanon

D epuis la nuit des temps, de mère en fille, Emanon accumule l'ensemble des connaissances de la Terre. Habituellement, la transmission de tant de savoirs assèche de toute vie celle qui la donne ; mais cette fois Eiko, avant de devenir Emanon, peut grandir auprès d'Emma.

Ce quatrième volet de l’adaptation d’une œuvre de Shinji Kajio, qui cosigne également le scénario, est l’occasion pour Kenji Tsuruta de clore une aventure graphique initiée 2008 avec Souvenirs d’Emanon.

Fantasme de jeunesse de son créateur, la cigarette au bec, toujours ailleurs, Emanon, éternelle adolescente filiforme, balade sa mélancolie et sa résignation à travers le monde. Refusant de s’attacher outre mesure à ceux qui disparaîtront bientôt, elle est condamnée à errer de corps en corps pour thésauriser le passé de la Terre. Emanon permet à Shinji Kajio de s’interroger, au gré des pages, sur la finitude de l’existence, sur ces instants qui font une vie, sur la solitude de celle qui reste. La relation au temps est primordiale pour le romancier japonais qui cultive l’instantanéité des rencontres comme l’intemporalité de son héroïne. Du rapport au temps, il en est aussi question pour Kenji Tsuruta qui - contrairement aux autres mangakas – sait laisser les années s’interposer entre ses mangas. Doté d’une capacité à rendre compte avec un réalisme élégant de la quiétude des campagnes comme de la banalité des banlieues, son trait fin et précis égrène une forme de nostalgie pour un Japon suspendu sur le fil distendu du temps.

L’errance d’Emanon s’arrête là. Reste le souvenir d’une jeune femme dont les rêveries sont l’histoire de l’Humanité et qui tel un mirage se dérobe à ceux qui voudraient la retenir encore un peu.

Moyenne des chroniqueurs
7.0