Le tueur - Affaires d'état 2. Circuit court

M aintenant qu’il est un « employé », le Tueur suit les ordres sans chercher à comprendre, ça vaut mieux pour la tête. Il fait ce que ses commanditaires attendent de lui, en bon professionnel. Pourtant, il en aurait à raconter et à dire à propos des coulisses de ce monde, mais à quoi bon ? De la patience, des bons réflexes, avec de la chance, il pourra participer à la suite de l'histoire.

Anti-héros ou anti-méchant ? Matz a toujours laissé planer le doute sur la nature réelle du Tueur. Indépendant pendant treize tomes, il menait sa barque et, malgré quelques écueils ici et là, maintenait un cap, celui de ses intérêts. Il est dorénavant au service forcé de sa nation. Le job est globalement le même, sauf qu’il faut suivre des directives venues d’en haut. Ses nouvelles cibles ne sont pas pires ou meilleures que les anciennes. Puis, est-ce vraiment si important de les connaître ou de savoir le pourquoi du comment ? De toute façon, eux, lui ou d’autres, ça ne change rien.

Entre cynisme et brutalité, le scénariste passe à l’étrille les élus magouilleurs de tous bords et profite de l’occasion pour condamner, dans son ensemble, la société qui permet au système de perdurer. Le ton désespéré ne laisse aucun espoir, ainsi soit-il, amen. Petite différence cependant, devenu un simple rouage de cette sombre comédie depuis son retour dans Traitement négatif, le Tueur se limite à suivre le ressac et n'est désormais qu’une simple pièce d'une énorme machine infernale. Même si le résultat est toujours impeccablement construit et raconté, ce petit glissement du centre de gravité fait la différence. À l’image du protagoniste principal, le lecteur observe les évènements d’une plus grande distance et, de ce fait, se sent peut-être un peu moins concerné par les multiples tentacules de ce thriller politico-revanchard à la saveur amère.

Découpage ultra-soigné, couleurs justes et une rigueur extrême dans la mise en scène, Jacamon avance tout en force. Dommage que le trait montre quelques faiblesses ici ou là, au détour d’un second plan visiblement un peu trop rapidement expédié. Rien de très grave au final, l’ambiance de fin de règne et l’atmosphère délétère sont bien au rendez-vous, la poudre et la peur aussi.

Direct, carré, sans filtre ou arrière-pensée, Circuit court ne cherche pas d’excuse et expose crûment une certaine réalité, que cela vous plaise ou non. Âmes sensibles, veuillez vous abstenir.

Moyenne des chroniqueurs
6.0