Zwarthoek

L ’artiste contemporain Gus réalise une énième performance en détournant les caméras de sécurité de toute la ville. Ainsi, il construit une œuvre composée de télévisions censée faire référence au roman de George Orwell, 1984. Watching You ! Bart, son galeriste n’est pas emballé, voire indifférent devant cette production. Mais, soudain, il reconnaît sa compagne sur un écran. Elle est attablée avec un gentleman alors qu’elle devait voir sa mère. À cet instant, une soucoupe volante plonge une partie de la métropole dans le noir – Black out ! Quatre ans plus tard, l’agglomération est divisée en deux. Sous l’objet volant, le quartier Zwarthoek baigne perpétuellement dans la pénombre, sans la moindre électricité. L’ensemble des autres arrondissements bénéficient d’un climat absolument banal où le soleil et la pluie se chassent normalement. D’ailleurs, Louis et Raymond y discutent en terrasse. L’un d’eux est subitement apostrophé par une jolie femme qui lui demande de l’aide pour investiguer sur la disparition de sa sœur, Prune. Comment pourrait-il refuser d’aider une si belle créature, et ce, même s’il est bien incapable de retrouver ses propres chaussettes !

L'association nantaise Vide Cocagne présente un pastiche à la sauce OSS 117, relevé d’un non-sens savoureux. Les écrivains, Benoît Henken et Stéphane Taquet (ou Scribal) mêlent humour un peu kitsch et running-gag dans une histoire absurde aux recoupements attendus. Les dialogues insistent sur le côté comédie ,tandis que les événements se succèdent à vive allure et plongent le lecteur au cœur de l’action. La paire de limiers fortuits évite d’habitude la zone noire. Seulement, en vue de résoudre l’affaire qui leur est dévolue, ils s’aventurent à l’intérieur du mystérieux Zwarthoek. Là, ils seront confrontés à une confrérie d’activiste, à un homme exagérément jaloux, à un créateur imbuvable, au vol en bande organisée de vélos, etc. Bref, ne vous attendez pas à détricoter toutes les intrigues qui parsèment l’album, surtout celles qui tiennent de la science-fiction !

L’enquête des comparses un peu « nullos » se décline sous le crayon de Cyril Elophe. L’auteur use d’une ligne claire géométrique qui rappelle la collaboration de Dupuy et Berberian (notamment, Petit Peintre). Les formes s’animent au gré des péripéties offrant beaucoup de mouvements dans un style qui, régulièrement, peut paraître figé. L’encrage est un peu épais, renforçant par la-même la profondeur des plans. Cela s’avère nécessaire eu égard aux cases d’exposition dont les perspectives sont volontairement aplaties. En outre, le dessinateur module son gaufrier, souvent pour éviter la monotonie et, parfois, afin d’offrir de belles compositions. Les séquences au sein du Zwarthoek sont colorisées de sorte à retranscrire l’obscurité. Des points de lumière apparaissent au milieu des vignettes. Le procédé est très lisible sans être poussé à son paroxysme. In fine, ce manuscrit dénote une parfaite maîtrise des codes de la bande dessinée.

De plus, la couverture resplendit ! Les protagonistes se baladent sur les lettres géantes formant le titre du livre, un peu à la manière du Spirit de Will Eisner. Cependant, l’étude des personnages et le jeu des couleurs font davantage écho au sillon tracé par Blexbolex (précisément, L’œil privé).

Amoureux des récits loufoques et d’une forme de minimalisme graphique, immergez-vous totalement dans le polar Zwarthoek !

Moyenne des chroniqueurs
7.0