La bête (Frank Pé/Zidrou) 1. Tome 1

C apturé en pleine Palombie par des Indiens Chahutas et vendu à des trafiquants d'animaux exotiques, un marsupilami débarque dans les années 50 au port d'Anvers. Réussissant à s'enfuir, il arrive dans la banlieue de Bruxelles et est recueilli par François, un jeune garçon fan d'animaux dont le quotidien est loin d'être facile. Le début d'une aventure passionnante, parfois sombre mais toujours porteuse d'espoir, et d'une belle amitié.

Les auteurs rendent un superbe hommage à l'animal fabuleux créé par Franquin dans la série « Spirou et Fantasio » tout en dénonçant la maltraitance et le trafic d'animaux exotiques. Une magnifique aventure dont le coeur est l'amitié extraordinaire qui peut unir un enfant à un animal.[/quote]

Après le mash up Spirou - Broussaille, voici Marsu au zoo. C'est joli mais... c'est joli, tapant très fort sur le clou nostalgique


[quote]Un navire accoste au port d'Anvers. Il transporte, entre autres, une cargaison d'animaux exotiques. Mais le voyage ne s'est pas déroulé comme prévu. Une panne, des semaines d'immobilisation en plein soleil et ce fut l'hécatombe. Parmi les rares rescapés, une créature inconnue capturée par hasard... une sorte de singe qu'un naturaliste facétieux aurait affublé d'un tuyau d'arrosage en guise de queue. Terriblement farouche et imprévisible, elle s'échappe.

Étrange entreprise que cette Bête.

Dès les premières pages, il est évident que les auteurs ont décidé d'exploiter la veine nostalgique. Le choix de situer leur intrigue dans les années 50 résulte sans doute du désir de se situer à la période de création du personnage, qui remonte à 1952. Le plaisir de recréer une Belgique disparue est palpable pour le dessinateur, tout comme la volonté de rendre hommage à l'âge d'or de la bande dessinée franco-belge, voire belgo-belge. L'un des personnages principaux est le sosie d'André Franquin. Le reste du casting comprend également Yvan Delporte, Jijé, Tillieux et, plus étrangement, Yann.

Le ton est par contre étonnamment sombre. L'ambiance presque horrifique des premières pages laisse progressivement la place à une histoire assez dure, s'attachant à un enfant harcelé à l'école parce que son père était un soldat allemand, crime impardonnable dans ces années d'après-guerre. La méchanceté des gamins n'est que l'écho de l'hypocrisie générale des bonnes gens et de l'ostracisme qu'ils font subir à la mère du petit François.

L'histoire en général ressemble à un gros melting pot de bons sentiments : un mélo un peu tire-larmes qui mêle enfance malheureuse, rédemption et amitié improbable. Tout cela se lit sans plaisir, ni déplaisir et ne se démarque que grâce à de la qualité de son graphisme. Mais, en matière de scénario, difficile d'imaginer qu'il aura fallu 150 planches pour le peu qu'il y a à raconter. À force de grandes cases et de belles illustrations, des scènes qui n'auraient duré que 2 planches sous le pinceau d'un Franquin en prennent vingt ici. L'ensemble laisse un gros goût de trop peu. D'autant que tout reste bien balisé, jouant sur des indignations faciles, des émotions évidentes et des recettes éculées.

Puis se pose le même problème que sur La lumière de Bornéo, la précédente incursion de Zidou et Frank Pé dans l'univers de Spirou. Autant l'ombre de Broussaille y pesait trop lourd, autant c'est cette fois celle de Zoo qui semble bien trop envahissante. Dans le choix de la palette de couleurs, à dominante brun et gris, dans la mère qui rappelle trop Anna, que ce soit physiquement ou dans la souffrance.

L'idée même de traiter le marsupilami comme un animal "réaliste" alors qu'il est fondamentalement un personnage de comédie, extrêmement cartoonesque, se révèle être une fausse bonne idée. En fait, les auteurs auraient pu raconter exactement la même histoire en utilisant un animal quelconque. S'il subsiste quelques marqueurs (la queue, bien qu'elle ne serve pas beaucoup, et le nid), cette bête n'a que peu à voir avec le facétieux animal que l'on connaît. Cette absence de fantaisie est un parti-pris franc. Est-il gagnant ? Pas vraiment. Sans cette légèreté, le marsupilami n'est plus très intéressant et il est légitime de se demander quelle est sa valeur ajoutée. Il apparaît trop effacé, sans aucune saveur.

Est-ce un mauvais album ? Il serait malhonnête de le prétendre. Que reprocher au dessin de Frank, d'une grande élégance et qui excelle à représenter les animaux en tous genres ? Et s'il ne sort guère des sentiers battus, le scénario de Zidrou n'est pas honteux. Il est extrêmement attendu. L'ensemble manque singulièrement de densité narrative. Les amateurs de beaux dessins auront largement l'occasion de s'attarder sur l'une ou l'autre case. Le problème vient du buzz inévitablement engendré par cet album. L'héritage de Franquin n'est qu'un prétexte, à peine effleuré dans ce premier tome. Les attentes sont élevées, alors que le résultat n'est pas à la hauteur. La magie fait défaut. Les fans du dessinateur seront aux anges. Les lecteurs sensibles aux jolies histoires marquées du sceau de la nostalgie y trouveront certainement leur compte. Mais cela ne suffit pas à en faire une grande bande dessinée. Elle caresse son public dans le sens du poil. Ni plus, ni moins.

Moyenne des chroniqueurs
6.3