La cage aux cons

Tout ça, c'est à cause de Karine. Ben oui, s'il ne ramène pas assez de pognon à la baraque, elle refuse toute galipette ! Mais un homme, un vrai, ça a des besoins non ? Alors, quand il entend un gus bourré comme un coing avouer qu'il a un tiroir blindé de billets, l'opportuniste - qui se dit redoutable comme un couguar - n'hésite pas, il le suit jusque chez lui. Jackpot ! Et pris sur le fait… Alors qu'il palpait les petites coupures, le fameux félin se retrouve la queue entre les jambes, tenu en joue par l'ivrogne, pas si éméché que ça finalement, et même pas en rogne. Alors, qui s'est fait piéger ?

Déjà ensemble sur Désintégration, Robin Recht (Conan, Elric) et Matthieu Angotti se retrouvent dans ce one-shot très réussi, adaptation d'un roman de la série noire de Gallimard Le jardin du bossu de Franz Bartelt.

Tel est pris qui croyait prendre. C'est ainsi que pourrait se résumer cette histoire. Mais cela serait réduire à bien peu ce récit déjanté et captivant, rondement mené. Un gars du cru, ordinaire, se targuant de suivre une idéologie de gauche, va s'autoriser à voler de l'argent facile pour conserver les faveurs de son amoureuse. Il est évident que cela va déraper et ce tendre bourru va se retrouver lui-même floué par un énigmatique et dangereux bourgeois. Le duo de personnages, leurs interactions, leurs échanges sont propices à de nombreuses réparties truculentes ; sans atteindre Audiard et tenant parfois de la brève de comptoir, qu'importe, c'est fendard. Sur un début classique donc, le scénariste intrigue rapidement en virant au burlesque, arrosant le sombre contenu de tirades jubilatoires. La personnalité des acteurs se révèle particulièrement intéressante. Le narrateur s'exprimant en voix off, le lecteur peut suivre son quotidien en se délectant de ses considérations percutantes dans un style argotique ou quelquefois simpliste qui, paradoxalement, sert une analyse fine et sensible. L'écriture particulière se trouve ainsi à mi-chemin entre humour noir et lyrisme d'équilibriste.

Changement radical pour le dessinateur qui fait découvrir une partie de son talent jusqu'ici inconnue. Caricatural, son trait épais sur des fonds grisés accorde un vrai caractère aux illustrations. Sur d'immuables planches en trois bandes, avec parfois quelques pleines pages, le découpage et le cadrage génèrent une vision quasi cinématographique (en guest star, un Lino ressuscité pour l'évènement).

Un antihéros et un psychopathe se donnent la réplique dans cette Cage aux cons, l'occasion d'un vrai plaisir de lecture enthousiasmante et rigolarde dans ce huis-clos surprenant.

Moyenne des chroniqueurs
7.5