La femme papillon

P lus alléché par la généreuse avance proposée par son éditeur que par l’idée d’écrire une histoire de super-héros en elle-même, Greg a finalement accepté de créer La Femme Papillon. Un peu désarçonné au départ, il se prend peu-à-peu au jeu et finit par trouver du plaisir dans cette création diamétralement différente de ses œuvres antérieures. Quelques jours après la parution de l’album, un infime évènement énergétique intersidéral vient modifier le tissu de l’espace-temps. Parfois, il suffit d’un rien pour changer les destins.

Héros masqués dissimulant leur réelle identité, auto-fiction basée sur son existence et exploitation romanesque d’une anecdote historique, l’inspiration et la création ont souvent leurs origines dans le quotidien, avant d’être grimées et rendues méconnaissables. Tout n’est que ré-orchestrations des faits avec les fantasmes des auteurs. La Femme Papillon, c’est tout cela et bien plus. Michel Coulon et Grégory Mardon ont joint leurs forces pour imaginer une ambitieuse fable à tiroirs sise à la frontière du vraisemblable.

D’abord excellent témoignage de la vie de bédéaste, le scénario montre avec énormément de justesse la relation entre maison d’édition et artiste. La dure vérité des chiffres, les suggestions plus ou moins poussées pour orienter la création, les réticences, les ego et les conséquences financières, le constat est sans appel. Beaucoup de doute, de discussions et c’est l’étincelle : l’idée jaillit. Tous les possibles se cristallisent sur la page blanche et c’est le bonheur. Par contre, celui-ci ne dure qu’un instant, car il faut maintenant concrétiser cette vision, case par case.

Ensuite, tout en continuant sur le même ton sympathique de la chronique intime douce-amère, la narration change de rythme. La fantaisie vient se mêler aux évènements rendant la dramaturgie quasiment épique. Les amateurs de mise en abîme et de décalage vont certainement apprécier la multiplication des ponts entre imaginaire et réalité. Le dessinateur en profite également pour disséminer quelques compositions-hommages aux classiques des comics. Outre les péripéties obligées du genre, le lecteur découvre une séries de réflexions sur la célébrité (ses avantages, ses défauts) et des responsabilités qui en découlent (elles sont grandes d’après l’oncle de Spiderman). Le tout se termine sur un final assez osé qui rappellera peut-être des mauvais souvenirs à certains. Là aussi, l’interpénétration entre vécu et fiction se montre des plus fortes et, dans ce dernier cas, remplie d’émotion.

Ouvrage assez inclassable, La Femme Papillon réserve au curieux un impressionnant lot de surprises. Si toutes ne sont peut-être pas totalement abouties ou véritablement prenantes, leur originalité et leur audace rendent lecture captivante, voire provocante.

Moyenne des chroniqueurs
7.0