Les frères Rubinstein 1. Shabbat Shalom

F ils de tailleur dans une cité de mineurs du nord de la France, Salomon et Moshe Rubinstein ont compris très tôt que leur statut de juifs à l'aube de la Seconde Guerre mondiale serait plus un fardeau qu'un atout. Ni les évènements qui entourent la disparition de leurs parents ni la suite de leur parcours ne viennent contredire ce sentiment... Mais comment les deux frangins ont-ils réussi à arriver en Amérique ? Et comment le cadet a-t-il survécu au camp de Sobibor ? Voici leur histoire...

Lorsque Luc Brunschwig a annoncé travailler à nouveau avec Étienne Le Roux, le petit monde de la bande dessinée s'est frotté les mains tant La Mémoire dans les poches reste un souvenir fort et précieux pour beaucoup de lecteurs. Lorsque la confirmation d'une série au long cours - neuf tomes ! - s'est répandue, beaucoup se sont demandé si l'éditeur ou les auteurs pourraient mener à terme une telle entreprise. Sans présager de la suite, Sabbath Shalom prouve en tout cas que le projet est viable et solide.

En soixante-dix planches, le duo, bien épaulé par le travail d'Elvire De Cock à la couleur, pose le cadre, met en scène des personnages bien campés et trace les grandes lignes d'une épopée pleine d'émotions. Comme à son habitude, le scénariste de Luminary, propose des héros à la psychologie travaillée que la vie n'épargne pas. Contexte oblige, les tensions et les dangers sont partout et les obstacles, pour certains déjà surmontés, nombreux. Mais la force de ce tome d'ouverture tient tout autant à sa trame qu'à sa construction.

Mêlant les époques grâce à un angle narratif propice à l'évocation des souvenirs, le récit navigue entre les périodes et les atmosphères avec fluidité. Du nord de la France à un cabaret d'Hollywood, en passant par le fin fond de la Pologne annexée, Étienne Le Roux parvient à garder une identité et une constance appréciable. Capable de vieillir ou rajeunir ses personnages sans perdre ses lecteurs ou de personnaliser la terreur, la perfidie ou l'amour en un regard, le dessinateur étale toute sa palette avec talent. Enfin, les rebondissements et les questions s'imbriquent avec rythme et facilité jusqu'à l'ultime scène, inquiétante, qui laisse entrevoir l'étendue des épreuves à venir, créant un suspense supplémentaire.

Avec ce premier tome, prenant et bien écrit, Les frères Rubinstein s'offre un démarrage plus que prometteur et plein de qualités. Amplement suffisant pour se lancer dans cette nouvelle série avec envie !

Moyenne des chroniqueurs
7.0