Info édition : Préface de Pierre Haski.
Avec jaquette.
DL d/2009/0086/140.
Résumé: L'histoire commence à l'extrême sud de la République populaire de Chine, dans la province du Yunnan, le 13 octobre 1950. Le Secrétaire Li enseigne les préceptes révolutionnaires. Dans un bourg où il s'arrête, on ne comprend pas tout ce qu'il dit, mais il charme la foule. C'est là qu'il est lui-même séduit par la belle Xiao Tao. Quelques années plus tard, un petit garçon naît de leur union : c'est le narrateur de cette histoire. Fervent admirateur de Mao Zedong, son père lui enseigne dès le berceau à dire « Que notre président Mao vive dix mille ans ! ». C'est à travers les yeux de l'enfant qui n'a jamais connu que ce régime que nous découvrons la Chine de Mao.
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950, le secrétaire Li chevauche dans les monts du Yunnan pour porter la bonne parole maoïste aux populations rurales. Il remarque Xiao Tao, une jeune fille de bonne naissance : paysanne, elle sait cependant écrire et n'a pas les pieds bandés. De cette union, naîtra cinq ans plus tard petit Li, le narrateur de cette histoire qui démarre sa vie en décevant ses parents. Parce que dans les journaux fleurissent des témoignages de nourrissons clamant les louanges du Président Mao, l'héritier Li se doit d'être à leur niveau. Hélas, le bébé ne parle pas. Mais bientôt, les adultes seront très vite absorbés par une autre préoccupation : le Grand Bond en avant vient d'être lancé. Il faut produire plus d'acier que les anglos-américains. Tout ce que la population a de métallique est réquisitionné.
Alliance de l'Orient et de l'Occident, une Vie Chinoise est une trilogie sino-française consacrée aux mémoires de Li Kunwu, une légende de la bande dessinée chinoise. Ce premier volume se concentre sur une catastrophe idéologique dont le bilan officiel se chiffre à soixante millions demorts, sans compter toutes les conséquences environnementales. L'ambiance est à la surenchère, à qui prouvera qu'il est le meilleur communiste et de la façon la plus absurde: des femmes se rasent la tête car les cheveux se recyclent, les familles se démunissent de tout objet en métal, les enfants brûlent ce qu'ils trouvent pour produire du charbon, la propagande plonge dans le délire alors que le spectre de la famine s'avance. Parfaitement adaptée à un public occidental, la narration s'attache à décrire le quotidien d'une famille et de leur entourage, il est difficile de ne pas faire le rapprochement de style avec le grand roman de Lao She, Quatre générations sous un même toit, qui se positionne sur les années de guerre sino-japonaises et dont la lecture est puissamment addictive. Toujours neutre, le récit s'en tient à décrire les événements avec les yeux innocents de l'enfant, ce qui rend la démonstration efficace. C'est plus un compte rendu qu'un réquisitoire. Avec un beau noir et blanc, le dessin fluide fait la jonction entre la peinture classique à l'encre et le 9ème Art et emporte avec aisance le lecteur au cœur de cette période tragiquement surréaliste de l'Histoire contemporaine.
Assurément un chef d'œuvre du manw=hua, à recommander pour découvrir les œuvres d'un grand pays et d'un grand dessinateur encore méconnus dans nos contrées.