Résumé: L'enquête de police sur la vague de meurtres qui terrorise Paris piétine. L'inspecteur Lotte ne distingue pas le lien entre les victimes et n'a pas la moindre idée de ce contre quoi elle se bat... Les recherches sur la pellicule du film de Fritz Lang n'avancent guère plus et laisse M perplexe. Comme plongé dans un état second, les yeux ouverts, fixés sur rien, il fredonne l'air de M le maudit...
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uvrir Le testament du docteur M, puis se perdre dans les méandres du récit. Plusieurs trames se croisent et s'entremêlent, chaque personnage suivant son propre chemin, son propre destin. L'inspecteur Lotte Habou cherche M, un tueur en série échappé d'un asile psychiatrique. M cherche l'origine d'un morceau de pellicule sur lequel repose l'introduction du Docteur Mabuse de Fritz Lang. Le jeu du chat et de la souris pourrait encore durer longtemps, entraînant son lot de meurtres et de sang versé. Les pistes, jalonnées de cadavres, se multiplient, tout comme les disparitions inquiétantes et les personnages au bord de la folie. L'atmosphère est glauque, sombre, aussi impénétrable que le double jeu que semblent jouer certains des acteurs. Mais peut-on encore parler de jeu, quand il se solde par un tel déchaînement de violence ?
Si l'histoire fonctionne bien, c'est en grande partie grâce à la force que Damour place dans son trait. Hommes et femmes au visage déformé par la folie, créatures incertaines qui vous poursuivent dans la nuit, regards vides et chairs déchirées... tout concourt à faire de ces Trois lumières le réceptacle de nos peurs ancestrales, ne serait-ce que par une mise en couleurs efficace dans sa sobriété. Dures, certaines scènes le sont de toute évidence, mais les auteurs évitent tout ce qui est gratuit, facile. Ici, tout a un sens. Encore faut-il le découvrir, une tâche ardue pour le lecteur chargé de voir derrière les ombres.
Pour déroutant qu'il soit, le scénario n'en reste pas moins passionnant. Et si la multiplication des personnages et des intrigues tend à brouiller les cartes, il se dessine tout de même un lien entre tous ces éléments épars, comme si les auteurs attendaient le troisième et ultime tome pour rassembler les pièces du puzzle. C'est du moins ce que dira le lecteur optimiste, convaincu qu'une telle mise en place ne peut se ponctuer que par un final grandiose. Quel que soit ce final, quelle que soit sa portée quasi métaphysique que l'on peut déjà percevoir en filigrane, une chose est sûre : Le testament du docteur M est une série à part, où se marient à la perfection les talents d'un dessinateur qui se surpasse pour l'occasion, et d'un scénariste qui, toujours capable de surprendre, aura voulu rendre hommage à l'un des plus grands cinéastes de tous les temps.
Toute proportion gardée, le résultat est à la mesure de l'ambition, beau et angoissant comme un film du Maître.