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n 1898, Morgan Robertson écrit un roman intitulé "Le naufrage du Titan", qui se révèlera étrangement prémonitoire 14 ans plus tard. En 1912, il est appelé à la rescousse par le journaliste W.T. Stead, ardent défenseur du spiritisme, pour tenter d'éclaircir le mystère qui entoure le voyage inaugural du plus grand paquebot jamais construit. Le Titanic convoque à son chevet la sorcière égyptienne Amen-Ra, des activistes irlandais de l’ordre des chevaliers d’Anubis, un feuillet du mystérieux Corpus Hermeticum, ce grimoire mythique sensé contenir toutes les connaissances cachées de l’histoire humaine, et… un iceberg. Morgan Robertson et W.T. Stead sauront-ils arrêter le destin en marche ?
Il faut bien ajouter un peu de mysticisme, d’ésotérisme et de fantastique pour tenter de raviver la passion suscitée par le plus mythique des naufrages. Car il est maintenant difficile de dissocier le nom du célèbre paquebot de celui des acteurs qui ont fait le succès d’un film au nombre d'entrées encore inégalé (en France au moins). L’image même de ce couple à la proue du Titanic reste gravée dans les mémoires de chacun, spectateur ou non, tant elle nous fut martelée. De fait, quand apparaît l’étrave majestueuse, la sensation d’entamer la lecture d’une histoire sentimentale à fort dosage lacrymal reste inévitable. La couverture de l’ouvrage de Richer D. Nolane et Patrick Alain Dumas n’échappe pas à la règle, malgré les couleurs plutôt sombres qui auraient pu insuffler un climat angoissant, mais l'inconscient collectif reste le plus fort.
Passé le cap de la couverture, la plongée dans un récit d'aventure fantastique est plus évidente, momie égyptienne et séance musclée de spiritisme se mêlant à une enquête classique. L'issue étant inéluctable, le suspens peine à décoller et le handicap de départ n'est pas compensé par les personnages sans grand charisme et le manque de surprise. Car si l'idée d'associer une fiction à des faits réels est plutôt séduisante, les uchronies fleurissent en ce moment (Le grand jeu, Tanatos, Hauteville House, etc.), et saupoudrer le tout de divers éléments extraordinaires ne suffit pas à se démarquer. Se servir d'un événement historique est une chose, le transcender en le modifiant en est une autre. L'impression de statisme dégagée par le graphisme contribue à ralentir un rythme déjà très affaibli par une intrigue plutôt transparente. Le retour de Dumas à la bande dessinée depuis quelques années n'est pas marqué par une évolution flagrante d'un trait déjà relativement figé à l'époque des Dossiers secrets de Maître Berger.
Si le titre de ce sixième tome de la série Corpus Hermiticum est évocateur, la déception face au contenu n'en est que plus grande.