Résumé: La vie défile paisiblement pour Crapaud, Rat et Taupe. Cela fait peu de temps qu'ils séjournent en ces nouveaux lieux mais, étonnamment, des habitudes, voire un début de routine, s'installent comme le fameux rituel du thé... Jusqu'à ce que Crapaud s'éclipse, une fois de plus, et que ses compagnons, une fois encore, ne repartent à sa recherche...
C
rapaud est de retour aux affaires, synonymes d'inquiétude pour Rat et Taupe. Surtout lorsqu'il se lance dans la quête d'un trésor mystérieux accompagné d'un dromadaire allergique aux pollens. Après une phase plutôt calme pendant laquelle les trois compères se sont tranquillement installés dans leur nouvel univers, bien loin des saules et du manoir Têtard, la rencontre d'une vieille femme chahutée par deux trouble-fête va tout bouleverser. Et c'est parti pour une traversée du désert avec soleil, pénurie d'oasis et manque d'eau.
Quelle joie de flâner dans les ruelles de la médina au milieu de toutes ces couleurs, des odeurs des épices et de ces bruits si caractéristiques du magrheb accueillant et enchanteur ! A l'image de Taupe, qui laisse ses pieds et son instinct le guider, la visite est paisible et enchanteresse. La promenade est bien plus riche qu'il n'y paraît. Qui se contente d'y voir une historiette bienheureuse réservée à la jeunesse parsemée de petits messages à l'intention de quelques adultes, ne prélève pas la substantifique moelle de cet ouvrage destiné à révéler l'amour et la connaissance du Maroc de Michel Plessix, son talent d'illustrateur et de metteur en scènes ainsi que son don de conteur hors pair. Même le rythme débonnaire de l'histoire est basé sur la nonchalance culturelle qui prévaut dans les pays chauds. L'auteur, comme à son habitude, parsème son récit faussement désinvolte et enfantin, des plus grands sujets de notre société. L'intégrisme et l'intolérance prennent les traits d'un chat et d'un lapin belliqueux, prêts à vilipender toute âme ne suivant pas les préceptes interprétés des sacro saints écrits. Au-delà de cet écho à une triste partie de notre quotidien, c'est toute la diversité culturelle et l'intégration possible au sein d'une communauté qui sont évoqués en opposition à l'obscurantisme d'une minorité. Malheureusement, ici aussi, la dimension de celle-ci est bien souvent inversement proportionnelle à son influence néfaste. D'un incident qui semble bénin, Plessix tire les deux composantes nécessaires à la construction de son œuvre. L'une sérieuse suivie par Rat, son personnage le plus serein et prompt à défendre la veuve et l'orphelin ou secourir son meilleur ami, l'autre plus humoristique et taillée pour le facétieux Crapaud, destinée à rendre le propos plus léger en apparence. Ajoutés à cela la vie des insectes en marge de celle des protagonistes principaux et la mise en abîme impliquée par certains commentaires et la création devient majeure.
C'est le savoir faire de ce type d'association qui rend cette série, et cet album plus particulièrement, incontournables. Outre le graphisme très travaillé qui contribue grandement à l'impression de magnificence (les spécialistes pourront reconnaître la reproduction d'œuvres de peintres orientalistes), l'atmosphère créée par un fourmillement de diverses aventures au sein d'un même récit accroît l'onirisme et le pacifisme de l'univers développé par l'auteur. L'ambiance permet de plonger à corps perdu au beau milieu d'une fable où l'émerveillement des yeux (qui ne pourra s'attarder sur chaque case ?), égale l'abandon de l'esprit au vagabondage et à l'oisiveté, sans délaisser la réflexion pour autant. La tentation du désert est l'album le plus poussé de ce point de vue, comme si Michel Plessix, gagnant en liberté au fur et à mesure des tomes, s'affranchissait définitivement du carcan de l'adaptation du roman original. Il reprend à son compte et s'approprie totalement les personnages de Kenneth Graham et leur donne une réelle dimension humaine. La rassurante forêt britannique est remplacée par les étendues féeriques du désert, preuve s'il en était besoin que la ville n'est pas Essaouira mais en est seulement inspirée. La douceur du sable fin, émaillée des pas lents et sûrs des camélidés, à peine égayé par les quelques reliefs dispersés ça et là, permet de profiter d'une cure de sérénité tout juste troublée par les quelques râles de maître Crapaud. Retranscrire les espaces vierges du Sahara avec une telle sobriété apporte un contraste salvateur à la folie des hommes… mais pas à celle des batraciens. Sûrement un doux refuge pour un auteur en quête de tranquillité et d'exil. De là à penser que cette couverture immaculée, à peine perturbée par un équipage cocasse et empreint de dignité, pourrait être assimilé à un album blanc, il n'y a qu'un pas. Ce qui est sûr, c'est que le travail est réalisé sous la pression du plaisir et non celle du devoir à accomplir.
Surtout ne pas se tromper, ce troisième volume du Vent dans les sables est une suite logique au deux précédents qui avaient planté le décor. La tentation du désert est l'album de la maturité d'une aventure destinée à divertir tout en faisant réfléchir. Mais n'est-ce pas le propre des fables ?
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Les avis
madlosa
Le 26/04/2009 à 15:58:46
Michel PLESSIX poursuit les aventures de nos héros avec le même talent. L'ambiance mille et une nuits est ici parfaitement rendue. De la poésie, une action lente comme le climat, des moeurs festives menacées par des intégristes venus de nulle part. L'histoire possède toujours une force narrative puissante, illustrée par des dessins de toute beauté et agrémentée par des textes à la poésie subtile et pleine d'humour. Ici, aucun besoin d'actions coup de poing ni de discours tapageurs... La vie suit son cours, calmement. La première planche comme un symbole, nous entraine au hasard avec les pas de taupe, du village au désert, sur les traces de crapaud et d'un trésor improbable !