Info édition : Pas d'indication du mois de DL, celui indiqué ici correspond au mois de sortie. Édition spéciale 20 ans d'Aire Libre, tirée à 3000 exemplaires, enrichie d'une jaquette et de d'un dossier de 16 pages avec des dessins inédits de Christian Durieux.
L
e jour de ses 53 ans, Philippe reçoit un coup de fil et un VTT. Le coup de fil, c’est pour lui annoncer qu’il est licencié, l’entreprise qui l’emploie étant délocalisée. Le VTT, c’est pour… c’est un VTT quoi. Comment va-t-il surmonter ces épreuves ? Ces épreuves ? Le chômage et l’ascension de la redoutable côte voisine, bien entendu.
Les honnêtes gens doit pouvoir aisément se classer dans la catégorie des « comédies à la française ». Celles qui font sourire en s’ancrant dans un environnement réaliste et qui prennent le soin d’ajouter une petite dose d’acidité à leur douceur souriante et compatissante. Celles qui demandent un savoir-faire irréprochable pour ne pas tomber dans les pochades sans saveurs et qui font se succéder leurs effets, mécaniquement et lourdement. Ce qui n'est pas le cas ici, même s'il est difficile d'être subjugué par le fond.
L’époque n’épargne personne et Philippe, le vénérable cadre aux 27 années de boîte, l’apprend à ses dépens. Le moment de l’annonce est particulier mais les attitudes de son entourage le sont moins. Membres de la famille, amis ou simples proches, les réactions, les soutiens et les abandons seront variés. La palette est là que ce soit en termes de profils ou de comportements. De l’ex-épouse sur laquelle on ne peut plus compter à la fille toujours proche de son père, de l’indéfectible copain de longue date à la relation toujours prête à vous enfoncer le moment venu, en passant par la maman, lunaire, qu’il vaut mieux tenir à l’écart. La galerie est au complet, les profils bien marqués, le portrait ne donne pas dans le trait fin. Une famille - au sens large - formidable.
Récit d’une déchéance ? Inexorable et misérabiliste ? Un tout petit peu, dans un premier temps. Mais il s’agit d’une véritable comédie et non d’une chronique sociale, agrémentée d’un zeste mais sans véritable trace d'aigreur qui dure en bouche. Le monde économique se nourrit et se moque de sa cheville ouvrière, corvéable et jetable. Il est le théâtre, ou plutôt le terrain de jeu, des manœuvres et des coups bas exécutés par les multinationales à l’échelle mondiale comme par les experts de la débrouille à l’échelle du quartier. Exécrables et mesquins, ils méritent bien une leçon. Mais faute de pouvoir botter le derrière du géant, sachons tourner en ridicule le Gnafron local, celui qu’on a doté d’une bonne tête d’ahuri (et à claques) lorsqu’il boit les paroles du candidat à la Présidentielle qui, semble-t-il, défend ses valeurs. Robin des bois ne devait pas aller redresser les torts guère au-delà de Sherwood après tout.
Pourtant, impossible d’en vouloir à ces Honnêtes gens dont la lecture se fera sans encombre de la première à la dernière page. L’exercice de style auquel se livrent Durieux ( Oscar, Le pont) et Gibrat ( Marée basse, Le vol du corbeau) est sauvé par une allégresse communicative qui les pousse à entraîner leurs personnages dans cette pièce aux ressorts sans grande surprise et à la morale exempte de vrais reproches. Le ton a ce qu’il faut d’enjoué à défaut d’être jubilatoire, la forme est claire et nette plus qu’exaltante mais pas de quoi bouder. La seule véritable réserve qui survient la lecture achevée est : « une deuxième partie ? ah bon ? ». Inutile pour autant de fanfaronner, on est capable de se laisser prendre une fois encore…
Les avis
Erik67
Le 01/12/2020 à 11:06:16
Je ne rechigne jamais à lire une bd signée par le grand Gibrat. Il est associé ici à Durieux dont la série Avel ne m'avait pourtant pas laissé un souvenir mémorable.
On a droit à une tranche de vie d'un homme fêtant ses 53 ans et se faisant illico presto licencié par l'Agence (d'ailleurs laquelle?). Suivra alors une descente aux enfers assez classique dans le repli sur soi et l'alcoolisme. La famille va assister impuissant à ce naufrage non programmé.
C'est là que j'aurais envie de hurler à cet homme qu'il a une famille réellement formidable et un meilleur ami qu'on rêverait d'avoir et qu'il n'y a aucune raison valable à ce qu'il se laisse autant aller.
Par ailleurs, ce boulot ne lui plaisait absolument pas, que regretter alors? C'est plutôt le genre revanchard vis à vis de son huissier (qui ne fait que son travail soit-dit en passant). C'est également le genre à aller à l'hôpital pour un simple point de côté n'hésitant pas à râler devant un homme ayant tronçonné sa main: tu me piques ma place ! C'est également le genre à ne jamais payer l'addition au restaurant, bref à manquer de fierté (et d'argent).
Bien sûr, la bd s'appelle les gens honnêtes. On avait envie d'y croire. Et on se rend compte que la réussite doit passer par la combine et la malhonnêteté. C'est franchement puant. J'espère que la seconde partie rétablira un peu de moralité et de justice.
On veut nous présenter ce gars là comme sympathique et victime de la mondialisation. A l'inverse le fils à papa qui gobe devant la TV de son restaurant le discours de Sarkozy nous est présenté comme un con fini. Il y a sans doute du vrai mais c'est si schématique. On voit bien sûr où l'auteur veut en venir. L'homme perd son travail et son toit mais cette plongée au coeur de lui-même est censée le faire revivre. Je n'éprouve pour lui aucune sympathie même si je comprends parfaitement ce qu'est le malheur de perdre son emploi du jour au lendemain.
Pour autant, je n'approuve pas sa manière d'être et de réagir. C'est peut-être à l'opposé de ce que je suis et c'est peut-être pour cela que je réagis aussi vivement. Bon, cette lecture aura eu le mérite de me faire sortir de mes gongs. Je me demande même si l'auteur n'a pas fait exprès de brosser un tel portrait. Une bd qui ne laissera pas indifférent même si l'aventure semble classique.
Harzak
Le 22/06/2016 à 21:15:21
Album correct, sans plus.
L'histoire est banale, gentillette, parfois presque niaise. Une mise en situation des protagonistes avant la suite dans les albums suivants.
biggyjay
Le 14/03/2016 à 11:27:59
Cet album raconte une tranche de vie, comme des centaines de gens en ont vécu sans pour autant se démarquer des milliers d'histoires déjà lues et contées. Le début est assez flou et la fin n'est pas plus nette. Malgré tout, les personnages sont attachants car ils nous rappellent chacuns un peu de nous-même.
Le dessin est bien adapté à cette histoire sans briller outre mesure.
Par curiosité, je vais lire la suite.
macluvboat
Le 27/05/2010 à 21:19:10
Un bon moment, c'est ce que l'on ressent une fois terminée la lecture de ces 'Gens honnêtes'.
Gibrat nous retrace une tranche de vie, celle de Philippe, soudainement licencié, avec des scènes façon 'Un air de famille' de Bacri.
Comment ne pas aimer cette mise en situation lors de l'anniversaire des 53 ans de Philippe avec des répliques bien croustillantes, des personnages haut en couleur comme la maman ou encore le fiston. L'histoire par la suite se déroule toute seule, la déchéance d'un homme licencié, la vision de notre monde autour de l'économie, l'amitié, l'amour et tout ce qui fait notre quotidien.
Comme je l'ai déjà dit, un bon petit moment de détente....et encore chez Aire Libre