L
ibera. Joli nom pour une planète. Et pourtant... Elle n'est aujourd'hui qu'une immense décharge, peuplée de créatures dont l'apparence n'a pratiquement plus rien d'humaine. Elle est aussi le lieu d'exil forcé pour ceux qui n'ont pas eu la chance de naître avec un patrimoine génétique idéal. Parmi eux se trouve Ti Môm, un gamin "imparfait", abandonné par ses parents, et qui met un peu de baume au cœur des habitants de Libera. Loin, très loin, sur Danubia, le monde où il fait bon vivre, les préoccupations de Bartolomeo sont toutes autres. Nommé gouverneur, il veut asseoir sa toute puissance en exploitant les ressources naturelles de Libera, et faire disparaître, par la même occasion, la moindre trace de vie. C'est le moment que choisit Asia, sa fille, pour partir à la recherche de Ti Môm, son petit frère. Sauver ses enfants ou éviter un scandale ? Le choix de Bartolomeo paraît évident. Quoique...
Le deuxième tome de Libera offre très peu de changements par rapport au premier, du moins dans sa forme. Mêmes protagonistes, découpage similaire du récit en alternant les scènes sur les deux planètes, et une histoire qui s'inscrit directement dans la continuité de Ti Môm. Concernant le fond, la fille de Bartolomeo, Asia, apporte le lien, nécessaire et symbolique, qui unit de nouveau les destins de Libera et de Danubia. Cette mission lui confère un statut d'héroïne, à l'instar de Violhaine dans Les Eaux de Mortelune ou d'Ananée dans Anahire. Surtout, cette orientation donne un vrai coup de fouet au scénario en permettant au lecteur de suivre les aventures d'un personnage qui prend de l'envergure et qui devient, au fil des pages, de plus en plus attachant.
D'autant que les thèmes abordés sont fort bien traités par Pierre Boisserie. Ecologie, eugénisme, ainsi que la plus classique "lutte de pouvoir", se mêlent habilement sans jamais donner l'impression d'assister à un cours d'éducation civique ou d'être pris en otage par un donneur de leçons. Au contraire, l'auteur offre un récit de science-fiction intelligent, très bien construit, et qui sait tenir le lecteur en haleine, du début à la fin.
Le dessin de Silvio Cadelo retranscrit élégamment le contraste entre le monde aseptisé de Danubia, ses décors à la géométrie parfaite, ses habitants aux visages dénués, pour la plupart, de toute sensibilité, et les terres abandonnées de Libera, ses mutants aux corps déformés et ses paysages dévastés par la souillure et la pollution. Cette dualité parvient à maintenir une ambiance parfois glauque, parfois plus légère, sans tomber dans le voyeurisme ou le larmoyant.
Si les récits post-apocalyptiques ont donné lieu à du très bon, mais aussi à du médiocre, voire à du carrément mauvais, Libera se range sans nul doute dans la première catégorie. Certainement plus méconnue que La Croix de Cazenac ou Voyageur, cette autre série de Pierre Boisserie permettrait pourtant à bon nombre de lecteurs de se réconcilier avec le genre.