C
loud 9, Lily, une executive woman accomplie, sirote sa boisson, les pensées tournées vers son fiancé disparu. Non loin, Wen, mannequin, appelle un à un ses amis pour passer la soirée avec l’un d’eux, mais regrette au fond de son cœur l’époque où elle sortait avec Jian, un photographe. Courtisée par de nombreux hommes, Lily les repousse tous, le séduisant et bientôt marié monsieur Long en tête. Déçue de ses relations masculines, Wen retrouve Jian et ce qu’ils ont partagé par le passé, sans se décider pourtant à faire un choix. Les questions affluent pour les deux jeunes femmes frustrées. N’est-il pas temps pour elles de se donner une seconde chance ?
Love, fragments porte bien son titre. Dans le contenu comme dans la forme, ce sont bien des fragments, des bribes d’instants que nous propose Chaiko afin de répondre à cette question universelle : que signifie aimer ? L’histoire se déroule comme une succession d’instantanés qui seraient à mi-chemin entre le roman-photo et un film passé au ralenti. Cela plaît ou non. D’autant plus que le fil narratif s’avère être un défilement des pensées des deux héroïnes, qu’on suit en alternance, entrecoupé parfois de quelques dialogues. L’amour, au cœur du propos, est abordé d’une manière presque féminine par l’auteur, si bien qu’on pourrait croire que c’est une femme et non un homme qui livre ces pages. Difficulté à surmonter la solitude et à retrouver le goût d’être amoureuse après la mort d’un être cher, recherche de sens et de profondeur dans les relations avec la gente masculine : Lily et Wen y apportent leurs réflexions et leurs réponses, chacune à sa façon, sur un mode qui, sans tomber dans la mièvrerie, s’avère cependant assez suave.
Comme le scénario, le dessin de Chaiko est constitué d’un enchaînement de fragments de scènes qui forment autant de clichés. Le découpage en trois bandes horizontales entourées de noir, renforce d’ailleurs cette impression. Incontestablement le graphisme révèle le talent de ce jeune auteur chinois, dont le lecteur peut admirer quelques illustrations en fin de volume. Son trait fin semble caresser les courbes élancées des deux héroïnes particulièrement élégantes et stylées, tandis qu’il pose des protagonistes masculins tout droit sortis d’un magasine de mode. C’est très joli mais par trop statique et sophistiqué, ce qui n’engendre aucune chaleur, contrairement au dessin vif d’un Benjamin (Orange, Remember). Cela est encore accentué par des couleurs assez froides et lisses ainsi que par le côté inachevé des cases.
Love, fragments a la saveur d’un roman-photo très chic dont on tourne avec plaisir les pages en papier glacé sur lesquelles s’étalent de très belles images qui laissent rêveur (rêveuse ?).
Les avis
Erik67
Le 05/09/2020 à 14:51:02
Le manga chinois commence à faire son apparition. C'est la première oeuvre publiée hors de Chine de l'auteur âgé de seulement 27 ans. Je suis impressionné par la qualité graphique de son travail. Il faut reconnaître qu'il dessine merveilleusement bien les personnages. J'aime réellement le trait fin et élégant. Enfin, un peu de grâce dans le manga ! Cela manquait.
Le second bon point est la colorisation complète de l'album ce qui est plutôt rare pour un manga même si cela existe. J'apprécie bien la couleur et je le dis tout fort. Les puristes du noir et blanc devront m'excuser...
Par contre, sur le fond, c'est pas vraiment la joie. Le récit est à la limite très mièvre. J'ai pas apprécié également la forme d'autocongratulation de l'auteur à la postface signée par l'auteur. En effet, ses amis se sont demandé si les personnages étaient inspirés du réel. Réponse de l'auteur : bien sûr ! J'aurais envie d'enchaîner: et alors, cela change quoi ? Est-ce que cette histoire d'amour déçu m'a fait rêver ou même palpiter ? Non, pas vraiment !
Le thème exploité dans cette oeuvre : pourquoi prendre le risque de réveiller des sentiments depuis longtemps enfouis ? Peut-être vaudrait-il mieux se contenter d'en savourer le souvenir ? J'aurais appris quelque chose de mémorable ! Non, je rigole... Bôf, bôf.