V
iktor est un garçon de sept printemps qui vit avec sa grand-mère au cœur d’une dense forêt. Il y mène une vie tranquille, rythmée par de menus travaux propices à laisser son esprit rêveur dériver. Dans cet univers où les arbres ne sont pas loin de revêtir un caractère oppressant pour celui qui n’est point habitué à pareil environnement, un événement va venir bouleverser ce petit bonhomme. A la suite d’une tempête destructrice qui va ravager les bois, la voûte céleste va s’offrir à ses yeux. Fasciné par le spectacle des étoiles, il va très mal vivre le fait que la nature reprenne rapidement ses droits pour à nouveau dissimuler le ciel. Une nuit, discrètement, il prépare son bagage et prend la route pour retrouver les étoiles et s’en approprier une.
Viktor, librement adapté de L’étoile de bois, une nouvelle de Marcel Schwob est un conte initiatique. C’est par le regard d’un enfant qui découvre le monde, ou plutôt un monde teinté d’onirisme, puisque celui mis en scène dans cet album n’a guère d’accointances avec notre réalité, que Tommy Redolfi livre un récit tout en atmosphère. Inquiétant, voire aux limites du cauchemar, l’univers dans lequel Viktor se promène n’est pas sans rappeler celui très visuel, mis en scène par Tim Burton, dans des films où gothisme se conjugue avec poésie. Le dessin sert parfaitement cette histoire, les visages blafards expriment tour à tour apaisement et effroi. Ils se mêlent sans aucun mal avec une nature tantôt hostile et étouffante, tantôt d’une réelle beauté. Le trait est travaillé, nerveux, voire par instant compulsif, il confirme cette impression de folie ambiante qui alterne avec des instants plus posés au cours desquels une poésie moins torturée trouve sa place. Ce mode de narration fort suggéré risque fort cependant, d’en laisser plus d’un sur le bord de la route. Ne s’agissant pas d’un récit intimiste, c’est pourtant l’archétype même de réalisation où l’auteur va jusqu’au bout de sa démarche et occulte, plus où moins consciemment lors de son travail, ce que pourra bien en penser son lecteur.
L’approche de cette bande dessinée sera donc très différente en fonction d’une sensibilité propre à chacun, tant l’interprétation peut être subjective et tient du ressenti individuel.
Du même auteur :
- Chronique de : La perspective Nevski
- Chronique de : Rayban dog