Résumé: Paris, sous l'Occupation. La vie y est terne, grise et douloureuse. Toutes ces restrictions, ces exactions, ces injustices... C'est dans un autre monde qu'il faudrait s'échapper pour retrouver le goût de la fantaisie, du rire et oublier quelques instants la sordide réalité quotidienne. Pietrolino est ce magicien. Accompagné de Simio, son fidèle compagnon de route qui veille sur lui (c'est lui qui nous conte l'histoire), Pietrolino le saltimbanque enchante, le temps d'une parenthèse, les personnes accoudées aux tables des troquets, faisant vivre à l'aide de ses mains et de son corps uniquement des univers sans parole mais tellement expressifs... Ses outils de travail (ses mains et son visage) sont les miroirs de son imagination et de son âme. Seulement l'idéaliste Pietrolino sera trahi par une femme de peu de vertu. Arrêté lors d'un numéro audacieux mimant l'oppression nazie, les SS lui cassent soigneusement les mains (objets du délit) et le déportent dans un camp de travail... Amoureux de la vie, de la fantaisie et des autres, Pietrolino met cependant tout son cœur pour égayer ce temps et garder espoir... Mais la trahison fait mal, plus mal encore que ses mains brisées et lorsque par hasard Colombella réapparaît au bras d'un officier allemand avec pour mission d'occuper quelques unes de ses heures, Pietrolino se mure dans le silence du désespoir... Il faudra la fin de l'Occupation, l'ingéniosité de Simio, la jeunesse d'Alma la saltimbanque qui admirait tant Pietrolino, pour que celui-ci reprenne goût à la vie... jusqu'à ce que le destin fasse une fois de plus tomber le grand rideau rouge sur ses projets...
L
'histoire de Pietrolino fut écrite il y a une dizaine d'années par Alejandro Jodorowsky à la demande de Marcel Marceau, dont il fut le partenaire de tournée dans les années 50. Faute de financement pour la porter sur scène, le projet de spectacle fut annulé et le manuscrit finit dans les tiroirs de Bruno Lecigne, éditeur aux Humanoïdes Associés. Les années s'écoulèrent, le texte s'égara mais restait en mémoire de l'homme qui en parla à Olivier Boiscommun, très intéressé par une adaptation. L'accord de Jodorowsky et la réapparition du précieux document accélérèrent alors la collaboration entre ces deux figures de la BD.
L'histoire, contée par Simio, compagnon de route de Pietrolino, débute sous l'occupation nazie, à Paris. Pour survivre, les deux hommes, accompagnés à contrecoeur de la provocante Colombella, se produisent dans des cafés. Le mime laisse alors tout son talent s'exprimer au travers de ses mains pour faire oublier aux clients la grisaille de ces années de plomb. Ce jour-là, le clou du spectacle, une métaphore mimée de la résistance contre l'Allemagne d'Hitler qui voit la victoire des Alliés, est interrompu par l'irruption de soldats allemands...
Une fois n'est pas coutume, le scénariste quitte la science-fiction qui l'a rendu célèbre pour un drame réaliste empreint de poésie. Malgré un contexte historique lourd et la détresse évidente du personnage principal, le ton du récit n'est pas pour autant dénué de légèreté grâce aux différentes scènes mimées. La voix off de Simio, qui nous accompagne tout au long de l'album, devient d'ailleurs vite indispensable et éclaircit avec délicatesse l'état d'esprit de son compagnon et l'illusion provoquée par la valse de ses mains. Si les ellipses de temps entre les différents évènements majeurs de la vie de Pietrolino hachent le rythme de l'ensemble et frustrent quelque peu le lecteur, celui-ci ne pourra s'empêcher de frémir d'émotion ou réagir face à l'injustice au fil des pages.
Tout a déjà été dit sur le trait typique de Boiscommun. Ici plus réaliste, il conserve toutefois une poésie qui lui est propre. La représentation du mime Marceau, sous les traits de Pietrolino, se révèle d'ailleurs très juste. Le corps est longiligne et élastique, le costume, dépouillé et l'extrême expressivité du visage réunit la candeur et la mélancolie d'un homme fragilisé par la vie. Le dessinateur arrive avec brio à passer outre le silence qu'impose le pantomime et à susciter autant, si ce n'est plus d'émotions qu'avec des mots. Bien que le rythme du récit impose un nombre limité de décors, ceux-ci laissent entrevoir une fidèle interprétation du Paris de l'époque. Enfin, les teintes des couleurs directes varient au fil du récit. Froides sous l'occupation, elles se réchauffent à la Libération, mais c'est le rouge, aux multiples symboles (le théâtre, l'amour et la mutilation), qui ponctue toute la vie de Pietrolino.
Disparu trop tôt pour voir enfin se réaliser ce projet, le mime Marceau se voit offrir un bel hommage à découvrir.
Les avis
Erik67
Le 05/09/2020 à 15:35:53
C'est le genre de récit empli d'humanisme et d'émotion que j'aime bien. Cet hommage au Mime Marceau est remarquable. Ce sont dans les époques sombres qu'on a besoin de gens du spectacle qui nous font oublier toutes les horreurs de ce monde. Sauf que dans le cas présent, la barbarie nazie va rattraper le héros de cette histoire qui tentera de survivre tant bien que mal.
Le graphisme m'a un peu surpris au départ. C'est difficile de s'accommoder des visages des personnages un peu bizarres mais on est vite gagné par une espèce de fascination visuelle d'autant que les décors sont de toute beauté. La colorisation est également utilisée à bon escient.
Cependant, ce qui m'a intrigué le plus, c'est de savoir que Jodorowsky est aux commandes du scénario dans un récit totalement différent de ce qu'il a l'habitude de produire. Cela surprend mais dans le bon sens du terme. Je n'avais jamais douté de son immense talent. En tout cas, il produit une histoire de grande qualité.
Amadigi
Le 29/11/2007 à 11:24:19
J'avais imaginé autre chose en entendant parler de l'histoire d'un mime pendant la seconde guerre mondiale, mais cette histoire est assez onirique et même si elle montre certaines horreurs de la guerre, elles sont aténuées par le dessin et la mise en couleur et la simplicité de ce qui est raconté.
J'ai beaucoup aimé la première scène jusqu'à l'arrestation
jcic
Le 28/10/2007 à 09:24:00
vivement le second et dernier tome les dessins de boiscommun sont splendides et nous plonge au coeur de cet homme pietrolino durant la seconde guerre mondiale
jodorowski a su raconter avec douceur et finesse une histoire tres dure.
on ne peut que se réjouir d'un si bel album au milieu d'une nuée de bd qui sont souvent passable.Donc n'hesitez pas c'est a avoir , a offrir , a faire partager