L
e feu de la révolte couve sous la neige de Moscou et le jeune camarade Alexandre, pour son plus grand malheur, passe plus de temps à haranguer les foules et à distribuer des tracts qu'à terminer ses études de médecine. Poursuivi par le régime, il ne trouvera son salut que dans la fuite : il accepte, contraint et forcé, une place de médecin dans un petit village de la Russie profonde. Loin des cuirs de la capitale, c'est un tout autre monde qui l'attend, empli de croyances populaires et autres superstitions. Pas facile pour un jeune docteur d'appréhender une telle réalité tout en faisant face aux innombrables dangers de l'extérieur. Que craignent-ils donc, ces pauvres hères, dès que le vent se met à souffler dans les branches, balayant ces vastes étendues de neige ? Ce que le vent apporte, tout simplement. Et que peut-il apporter d'autre que la mort dans cette région reculée, oubliée de tous ?
Nouveau venu dans la collection Aire Libre, Jaime Martin est un auteur espagnol encore inconnu sous nos latitudes. Il y a de fortes chances qu'il ne passe pas inaperçu avec un style graphique soigné qui, dès la couverture, instaure un climat à la fois sobre et intrigant. Un arbre nu, une plaine qui l'est tout autant et un vent que l'on devine violent, implacable : aucun doute, le récit sera placé sous le signe de la peur, celle du vide, qui ne quittera pas le héros et reflète la faiblesse de l'être humain face à un milieu hostile. L'atmosphère oppressante voulue par l'auteur sera une constante et c'est certainement par cette ambiance confinée, basée sur un trait épuré et une colorisation dans des tons de bleu, que l'album se démarque, plus que par une histoire assez convenue.
En effet, le héros, s'il se révèle attachant par sa détermination à affronter les difficultés, peine à se forger une personnalité sans précédent : le jeune médecin devra faire ses preuves dans des conditions difficiles, et remplacer dans le cœur des villageois un vieux praticien dont la sagesse inspirait confiance et sympathie. Le nouveau sera quant à lui sujet de méfiance et de doutes, des doutes qu'il devra effacer par une pratique sans accroc de son art. Malheureusement, l'empathie pour ce personnage n'est pas ce qu'elle aurait pu être, pénalisée par un récitatif trop prolixe, voire verbeux. Pas de quoi renforcer l'ambiance mise en place par le dessin. Il est regrettable que le mystère repose plus sur un texte imparfait que sur un graphisme qui, lui, ne souffre aucune contestation.
Au niveau du scénario à proprement parler, Jaime Martin n'échappe pas non plus à quelques poncifs du genre. Entre la violence des hommes, aveugles devant l'innocence d'un enfant, et la tenacité des vieilles croyances dans une contrée où science et modernité ne sont rien de plus que de vagues concepts, les thèmes abordés ne se singularisent pas par leur originalité. Il en va de même pour la clé du récit, sorte de variation sur un thème imposé, ici l'abominable homme des neiges. On retiendra donc de Ce que le vent apporte un dessin enthousiasmant et une histoire qui aurait pu l'être davantage. De quoi jeter un oeil intéressé sur les œuvres à venir d'un auteur qui, de toute manière, aura su capter notre attention.
Les avis
HECCAL
Le 16/11/2021 à 17:12:49
Une des qualité de la collection Aire libre est de nous faire découvrir de nouveaux auteurs.
C'était le cas me concernant pour MARTIN JAIME.
Pourtant, il y a peu encore, le style de ses dessins ne m'aurait pas incité à acheter cette BD. Mais connaissant la ligne éditoriale de la collection, j'ai fait confiance, je suis passé outre afin d'élargir le choix de mes lectures et découvrir d'autres style.
Coté scénario c'est au rendez-vous : c'est à dire qu'il est d'un bon niveau. C'est une histoire est assez sombre qui nous transporte dans la Russie du début du 20ème siècle, finalement le dessin va très bien avec l'ambiance, le tout est assez réussi.
Ce n'est que dans le dernières pages que l'on devine la vérité..
Je vais suivre cet auteur d'un peu plus près ...
Erik67
Le 31/08/2020 à 22:13:38
Ma véritable note serait un 3.5 - On a réellement une oeuvre pas mal du tout. La couverture de ce one-shot est sobre et efficace. Le titre est un rien évocateur et prendra tout son sens à la fin de ce récit qu'on pourra trouver trop classique et donc un brin décevante.
On croit à tout moment qu'on va basculer dans le fantastique. C'est d'ailleurs assez bizarre car on commence l'histoire avec une connotation nettement politique à l'aube de la Révolution d'octobre dans la Russie du Tsar Nicolas II.
On est vite embarqué dans les territoires hostiles du nord de l'Oural qui a besoin d'un médecin. Ce dernier aura du mal à imposer sa science au milieu d'une population rurale incrédule et superstitieuse.
Le style est d'une très bonne fluidité. Je ne connais pas l'auteur Jaime martin mais on suivra avec un regard intéressé la suite de sa carrière dans le 9ème art. Bref, c'est une bonne surprise que nous offre la collection "Aire libre".
toine74
Le 05/05/2008 à 15:56:40
Le récit se déroule en Russie à la veille de la révolution bolchevique, Moscou et ses habitants sont en effervescences. Le héros, Alexandre étudiant en médecine, doit se faire "oublier" de la milice tsariste et accepte un poste de médecin dans une petite clinique dans une région reculée... Arrivé sur place, il doit commencer à se faire accepter des habitants et faire face à une "bête" qui rôde dans les bois... Trame classique pour un récit qui n'arrive pas à décoller.
Le dessin est bon et Jaime Martin joue avec les couleurs d'une façon très efficace, atmosphère bleue, rouge et grise qui colle à l'action. Pas de doute c'est très bien réalisé. C'est plutôt au niveau du récit que cela pêche. Le contexte historique, largement expliqué au début, ne joue plus aucun rôle une fois hors de Moscou (page 17 jusqu'à la fin). On pourrait être dans n'importe quelle campagne reculée du monde, la bête du Gévaudan est partout la même. La suite du récit suit les canons du genre sans beaucoup d'originalité (la chute finale est très prévisible), j'ai eu une impression de déjà lu page après page. C'est très bien fait mais le scénario manque d'originalité et d'ambition.
Ce premier album en français du jeune auteur Jaime Martin dans la collection Aire Libre pâlit un peu de la comparaison avec les autres titres de cette collection d'excellence. La majorité des titres de la collection sont le fait d'auteurs posés à qui on donne un espace de liberté, cela a donné et donne encore des albums d'une grande qualité. Dommage pour Ce que le vent apporte car Jaime Martin a du talent mais la décision de le publier directement dans Aire Libre n'est peut-être pas une bonne idée.