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uand Estelle rêve, elle le fait dans la peau d'une musaraigne entourée de ses amis, eux aussi personnifiés en animaux. Petite fille débordante d'énergie, la curiosité l'anime au plus haut point, surtout lorsqu'il s'agit de découvrir le secret caché de la venue au monde des bébés.
L'humour et le regard naïf sur les choses de la vie sont le leitmotiv de Sylvain-Moizie. Estelle est l'archétype de l'enfant construisant son univers via ses yeux émerveillés et interrogatifs et son imagination débordante. La transcription par le cerveau juvénile de problématiques d'adulte, comme celles de la procréation et de la naissance, sont l'objet de quelques scènes hilarantes. Discussions entre camarades de classe ou explications mère/fille, tout est bon pour nourrir les fantasmes enfantins les plus fous. Si les périodes de rêves privilégient l'humour, celles bien ancrées dans le réel décrivent avec justesse les relations parents/enfants et les quelques difficultés rencontrées à gérer vie professionnelle et personnelle. D'autant plus qu'Estelle a une grande sœur pour qui l'adolescence et ses turpitudes ont remplacé l'innocence et l'amour incommensurable que peut vouer un enfant à ses parents. La vie n'est pas toujours facile et le stress est un bien mauvais conseiller.
L'utilisation de séquences animalières permet d'identifier rapidement le monde de l'enfance fait d'imaginaire et celui, plus réel, des "grands". Même l'aspect orthographique a été pensé, les prénoms des amis d'Estelle prenant un accent spécifique : Jean-Loup, Natachat, etc. Le graphisme montre quelques similitudes avec le Petit Nicolas de Sempé : le rendu de la vivacité des personnages, la présentation souvent faite de profils et les décors minimalistes. Même si le trait est plus hésitant, l'ensemble reste vivifiant et joyeux, une ambiance parfaitement adaptée au sujet.
Telle est une Estelle joue entre l'imaginaire et la réalité de ce qui forge le caractère et la personnalité des enfants. Intelligemment construit, l'album ravira petits et grands.