L
’âge d’or pour l'île et pour le peuple de Bretagne touche à sa fin. Les envahisseurs Llogriens et les Pictes ont bien été contenus par Arthur et ses guerriers, mais le chef se fait vieux et sombre dans l’inactivité et le désespoir après le décès de son fils et de sa femme.
Néanmoins, l’arrivée de son neveu Medrawt le sort de cette torpeur. Le jeune homme remplace son défunt fils dans le cœur d’Arthur et malgré les avertissements de ses compagnons, il le désigne comme héritier. Ayant dû prendre la mer pour aller pourfendre un Kraken, Arthur se rend à l’évidence : son neveu, qui s’est proclamé chef, l’a trahi et lui défend désormais de remettre pied sur son île de Bretagne.
Il aura donc fallu sept années au duo Chauvel-Lereculey pour clôturer leur admirable série sur les aventures du Roi Arthur. Admirable, en effet, est l'adjectif qui vient directement en tête lorsque l’on veut décrire ce remarquable polyptyque de neuf albums. On ne peut qu’admirer le travail de recherche des auteurs afin de faire revivre sous nos yeux les contes celtiques primitifs, dépoussiérés des ajouts chrétiens, introduits par Chrétien de Troy notamment. Le scénariste Chauvel ne tente pas, en effet, de recréer un Arthur historiquement plausible (comme le film King Arthur d’Antoine Fuqua) mais offre au lecteur plusieurs de ces contes chaleureux que l’on verrait bien racontés autour d’un feu de bois. Respectant parfois trop les récits gallois originels, certaines histoires en deviennent même un peu obscures à la compréhension d’un lecteur du 21è siècle. Certains regretteront sûrement une vulgarisation insuffisante. En résultent donc des aventures denses, touffues parfois, épiques et jalonnées de créatures fantastiques et de héros aux noms celtiques imprononçables.
Tout comme les précédents, ce dernier tome respecte scrupuleusement le canevas établi dès le premier numéro, ce qui rend également cette série impressionnante de régularité. On n’échappera pas non plus aux désormais traditionnels récits du barde, réelle histoire dans l’histoire et servi par des dessins semi-réalistes. Néanmoins, Chauvel parvient à ne pas tomber dans l’habitude en employant par exemple pour la première fois la technique du flash-back. Malgré une fin connue de tous (les aventures d’Arthur se terminent mal, je ne vous apprends rien), le scénariste est également arrivé à communiquer ce maelstrom d’émotions et de désespoir propre à toute fin triste et inéluctable. L’affrontement final, lors de la bataille de Camlan, en devient tout simplement époustouflant.
Cette série ne serait rien sans la patte de Lereculey. Réaliste et détaillé, son trait peut parfois être très froid, inexpressible même. Il n’empêche que ce dessin sert admirablement bien la volonté de la série, à savoir de retranscrire un conte plutôt qu’une réalité historique. Les personnages avec leurs traits et leurs expressions très typés semblent tout droit sortir de l’imagination d’un barde celte.
Le cycle arthurien de Chauvel et de Lereculey se termine, comme il avait débuté, fort d'une originalité jamais essoufflée, proposant une narration maîtrisée (malgré des embûches liées aux sources galloises), admirable de régularité et servi par un trait réaliste, épuré et sans la moindre fausse note. Une œuvre de qualité qui devrait plaire à une large palette de lecteurs…