A
mara est "bouclier humain". Elle fait partie de ceux qui, pendant la deuxième guerre du Golf, ont décidé de mettre leur vie en danger pour protéger des sites stratégiques en Irak (centrales électriques, centres de télécommunications, …) lors des bombardements de la coalition. Elle va vivre alternativement nuits de terreur dans l'abri d'une centrale et visions d'horreur dans les hôpitaux débordés de "dommages collatéraux". La peur et le danger seront-ils plus forts que l'envie de témoigner ?
Amara Sellali a prouvé son courage et a ramené un témoignage qui fait écho à certains journalistes sur ces fameux dommages collatéraux. Cette guerre est sale, cela ne fait plus aucun doute. Reste la manière d'aborder le sujet. Sur la base du récit d'Amara, le concours que Xavier Betaucourt a apporté manque de liant et de chaleur. Bref, on n'y croit pas. On ne doute pas de la véracité des faits mais l'alternance bombardements/atrocités nous est assénée à un rythme si régulier qu'il fini par nous laisser de glace.
Amara, avec ses doutes et ses peurs bien naturels dans une telle situation, finit même par agacer : je pars, je ne pars plus, je pars, je ne pars plus, …. Et sa quête du téléphone portable devient la seule aventure trépidante de ce récit, masquant par la même occasion le but initial : dénoncer les dommages collatéraux. Peut être est-ce dû au cynisme ambiant avec son lot d'horreurs exposées tous les jours à nos yeux et à nos oreilles. Pour se préserver, on fait l'autruche ou l'indifférent(e), ce qui revient un peu au même : on se désintéresse.
Un Davodeau (dont le dessin de Dominique Hennebaut se rapproche) ou un Guibert aurait sûrement trouvé une tournure plus appropriée, plus sobre et plus vraie.
Dommage qu'un tel témoignage ne nous parvienne pas de façon plus adaptée car tout ceci est bien réel… mais notre ennui est lui naturel.
Les avis
sbuoro
Le 17/06/2005 à 08:31:48
Ce tome 2 du dyptique "Bouclier humain" (Suite et fin) est dans la continuité du très intéressant tome 1. Le style du dessin est ce qu'il est. On dirait qu'il évolue (très) légèrement dans ce deuxième tome, mais peut-être est-ce mon exemplaire dont les couleurs semblent être plus pâles, qui me donne cette impression ? En tout cas, passé le débat du "on aime ou on n'aime pas le coup de crayon du dessinateur", le lecteur sait que l'important est avant tout le message transmis au travers l'expérience d'Amara. Une expérience faite d'allers et de retours, de volontarisme et de reculs, d'hésitations. Bref, un reportage fait par quelqu'un comme vous, comme moi.
On comprend (et l'actualité nous l'a bien montré) que même si les boucliers humains n'ont pas servi à grand-chose, au moins auront-ils eu le mérite d'exister. On assiste à l'écrasement des initiatives de paix par les sourdes grosses machines de guerre guidées par des intérêts dont sont loin les victimes. (Dans le même ordre d'action, on se souvient des tee-shirts, avec une cible pour motif, portés par les serbes qui défendaient leurs ponts).
On comprend également (mais... ne le savait-on pas déjà ?) qu'il s'est passé en Irak beaucoup de choses qu'on a su, mais aussi beaucoup dont on n'a pas eu vent. Et cette BD apporte sa pierre au mur des témoignages. Il fallait qu'elle soit éditée pour que les photos prises par Amara (qu'on ne pourra jamais voir pour cause de "censure américaine" manu-militari) puissent quand même nous parvenir en images.
Réjouissons-nous ! La BD ne se cantonne plus au récit d'histoires: c'est un outil. Qui dérangera ou pas, mais qui donc s'imposera de plus en plus comme un support inévitable.