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n métier original et captivant (réalisatrice/vidéaste officielle du Président de la République) et une amoureuse de première bourre avec qui elle envisage de fonder une famille, Dorothée a tout pour être heureuse, malgré un emploi du temps surchargé. De plus, en cette année 2013, la loi sur le mariage pour tous est en train d’être adoptée de vive lutte par le gouvernement, elle pourra donc bientôt se marier pour de vrai ! En attendant de convoler et de pouponner, elle s’immerge à fond dans sa vie professionnelle : côtoyer et documenter au jour le jour le sommet de l’État est une tâche aussi passionnante qu’accaparante.
Récit autobiographique associant vie intime, évolution sociétale et reportage en immersion, De l’intérieur est une lecture aussi révélatrice qu’informative à propos de l’époque récente. Dorothée Adam-Mazard se raconte à la première personne avec franchise et une ouverture de tous les instants. Lesbienne ayant longtemps eu du mal à s’assumer avant de trouver la force de faire son coming-out et de filer le parfait amour avec Claire, sa trajectoire montre bien les pressions sociales pesant encore sur l’homosexualité. En parallèle, outre le combat politique mené sous François Hollande par Christiane Taubira qu’elle a la chance de vivre au plus près, la scénariste en profite pour décrypter une partie de la machinerie interne de l’Élysée. À la manière de Mathieu Angotti dans Désintégration, elle détaille un quotidien démentiel qui passe constamment du plus trivial au pire sans aucun avertissement. Observations fines et éclairantes, sincérité et honnêteté, la narration sonne juste, alors que le sujet central de l’ouvrage n’a pas encore été abordé.
Dans le but de faire «passer» la loi sur le mariage pour tous, des concessions ont dû être faites afin de calmer l’opinion publique et les tenants de la Manif’ pour tous. Résultat, la PMA sans père et la GPA passent à la trappe, à l’instant même où Dorothée et Claire ont décidé de sauter le pas ! Obligées d’aller à l’étranger pour recevoir un don et se faire inséminer, les deux femmes entament un long chemin de croix semé d’embûches : traitement médical lourd, jeu de cache-cache hypocrite pour trouver une gynécologue acceptant de les suivre, des dépenses qui se comptent en milliers d’euros, etc. Autre corollaire, le tout doit se faire en toute discrétion évidemment, donc sans l’appui de son employeur (et quel employeur !), ni arrangement du temps de travail. Là aussi, la description se montre à la hauteur de l’enjeu : détaillée, remplie d’émotions et sans concession, pas plus pour elle qu'envers les autres.
Aux pinceaux et presque en retrait, Francis Buchet s’est mis au service exclusif de la narration et propose une mise en images simples (principalement basées sur des photographies). Une simplicité qui n’est heureusement pas synonyme de facilité ni de paresse. En effet, le découpage s’avère varié et totalement maîtrisé. Dommage cependant qu’il n’ait pas plus souvent osé sortir de sa ligne directrice. Les deux-trois passages illustrant façon mode d’emploi humoristique les méthodes alternatives de procréation apportent un décalage et un peu de recul à une histoire logiquement profondément ancrée dans le vécu. Autre point à mettre au crédit du dessinateur, la colorisation tout en nuance et en discrétion enveloppe agréablement ces planches, peu importe le lieu ou le pays visité.
Excellent témoignage d’un moment clef de l’Histoire récente, magnifié par la touchante et difficile expérience de ce couple tellement charmant, De l’intérieur évite les écueils du militantisme ou du procès d’intention. À la place, le lecteur a droit à une véritable fable actuelle remplie d’épreuves, d’amour et de tendresse.