Info édition : Noté "Première édition". Avec, en fin d'album, un dossier de 6 pages rédigé par Tristan Roulot : "Iran 53, autopsie d'un coup d'état".
Résumé: Téhéran, 1953. En nationalisant les puits de pétrole, le Premier Ministre Mossadegh a totalement rebattu les cartes… et excité les convoitises ! La France a misé sur son plus jeune ambassadeur, Jean d'Arven. Fin connaisseur de la région, il mène le bal diplomatique tandis que dans les coulisses, son ami Jacques se salit les mains pour la cause. Mais ils sont loin de se douter que les Américains s'apprêtent à écrire une nouvelle page des relations internationales : le coup d'état intérieur.
M
êler histoire et action est souvent un pari risqué dans le 9ème art. Alors, Tristan Roulot et Christophe Simon adoptent un angle inédit pour aborder les évènements historiques : celui de la diplomatie. Ce premier tome lève le voile sur le faste et « les diners de l’ambassadeur qui sont toujours un succès » pour montrer les ficelles, les négociations, les entourloupes, les traquenards.
Et il y en aura dans cet épisode se déroulant à Téhéran en 1953. Jean d’Arven, un jeune et brillant diplomate, et son ami Jacques qui lui sert de chauffeur, mais surtout d’enquêteur officieux de terrain, vont devoir marcher sur des œufs afin que la France devienne l’alliée du gouvernement du premier ministre Mossadegh. Ayant pris la décision de nationaliser le pétrole iranien, ce dernier se voit pris sous le feu croisé de la Grande-Bretagne, des USA, des sociétés pétrolières françaises, des nationaux-islamistes et du Shah. La CIA entre dans le jeu et lance l’opération Ajax contre l'homme d'Etat. Jean et Jacques tentent le tout pour le tout afin de venir en aide à leurs amis et à Mossadegh.
Ce premier tome est une agréable surprise !
La trame narrative est celle d’un récit d’action digne des films d’espionnage de la Guerre froide. Le parti-pris de passer par la diplomatie fait mouche et procure une lecture prenante et passionnante du coup d’État de 1953 en Iran. Le lecteur peut faire le parallèle avec Blake et Mortimer même si ce duo d’ambassadeurs dont la relation (tout en nuance) ne laissera pas dupe. Le trait de Christophe Simon, disciple de Jacques Martin, sied aux années 1950 qui servent de cadre à cette histoire. Un trait néo-classique qui n’est pas figé dans les scènes d’actions et qui colle au scénario de Tristan Roulot qui mêle avec habileté ses personnages fictifs aux vrais protagonistes du putsch.
Le petit plus réside dans le cahier final qui donne à mieux connaitre le contexte de cet évènement. Bien documenté et agréable à lire, il complète le propos sans être rébarbatif ni trop lourd.
Découvrir les évènements du second XXème siècle par les « coulisses », autrement dit par la lucarne des rouages diplomatiques, est une idée prometteuse et qui fonctionne. Ce récit romancé de cet épisode passé réussit le tour de force d’en donner une idée compréhensible, en dépit de la complexité du contexte. Un album maitrisé de bout en bout qui ravira les amateurs d'Histoire.
Les avis
Eric DEMAISON
Le 13/04/2022 à 16:52:32
Cet album nous fait plonger au milieu d'une période post 2ème guerre mondiale, en Iran, avant l'avènement du Shah. Il décrit la tentative du 1er ministre de l'époque de nationaliser l'exploitation pétrolière et son renversement par les Anglais et Américains. Les "héros" sont français , il s'agit de l'ambassadeur français qui joue la carte de la France et la souveraineté iranienne. Cet aspect, support à l'histoire est fictif.
L'histoire nous porte et c'est vraiment une belle surprise. Le dessin est très agréable et soigné de même que la mise en page et la narration. A lire., on apprend beaucoup sur cette époque et cette région du monde. Cela donne quelques clés pour comprendre un peu la situation actuelle.
Erik67
Le 09/03/2022 à 07:52:48
On va en apprendre beaucoup sur l'Iran avant la révolution islamiste de 1979. On va se plonger en 1953 où le pays est dirigé par un premier ministre qui non seulement est apprécié mais a été élu démocratiquement. Il s'agit du Docteur Mossadegh ayant fait ses études de droit en France et en Suisse.
Ce personnage état d'une grande simplicité, capable de recevoir des parlementaires dans sa chambre en pyjama. Il est connu surtout pour avoir mis dehors les anglais qui gérait le pétrole dans ce pays depuis la découverte en 1908. A vrai dire, les iraniens n'avaient droit à aucune retombée de l'exploitation de leurs ressources. Il demandait simplement une indépendance de son pays.
Ce rejet des intérêts d'une grande démocratie occidentale colonialiste a entraîné leur colère et notamment celle de leur alliés les Etats-Unis qui a alors fomenté un coup d'Etat dans ce pays. On s'étonne plus si par la suite, les américains ne sont pas très bien appréciés en Iran ! C'est un fait de l'histoire que j'ignorais et qui serait nettement développé dans cette BD qui ouvre les yeux.
On apprendra également le rôle qu'a joué le jeune Shah d'Iran aux côtés de ses amis anglais. Cela ne lui portera pas bonheur car il sera lui aussi lâché 20 ans plus tard dans les conditions qu'on connaît à l'occasion de la révolution islamiste.
Par ailleurs, on verra également l'ayatollah Kachani (le mentor de Khomeini) était également hostile à Mossadegh en rêvant déjà d'un Iran islamiste. Mossadegh est en effet laïc et progressiste en voulant donner le droit de vote aux femmes. C'est également un anti-communiste.
La France va tenter de jouer les médiateurs comme à chaque fois. Ces chroniques diplomatiques vont se focaliser sur le rôle de l'ambassadeur de notre pays en Iran durant cette période trouble. Je ne souhaite pas dévoiler le fin mot de cette histoire mais cela sera assez marquant.
Au final, on se rendra compte que les américains et les anglais n'ont pas favorisé l'émergence d'une véritable démocratie en Iran en voulant continuer à piller leurs richesses à savoir le pétrole. Ils ont au contraire favoriser la tyrannie du Shah et par la suite la révolution avec les conséquences que l'on connaît. Vu sous cet angle, on va se dire que l'histoire est sans doute plus complexe qu'on voudrait nous le faire passer.
Le nom de Mossadegh reste toujours tabou en Iran. Le président Obama a reconnu l'erreur de son pays dans le renversement d'un gouvernement iranien démocratiquement élu. On peut toujours avoir pire par la suite. Bref, c'est un sombre épisode de l'histoire de l'Iran dont on peut percevoir encore les effets près de 70 ans plus tard !