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vec Dragon Blitz, Mills et Ledroit continuent leur exploration de Resurrection, une planète infernale où se retrouvent après la mort les damnés de la terre, tout ce que le monde compte de plus vil et de plus terrifiant. Les auteurs recréent une société dominée par la race vampire, chantre de la barbarie et de la décadence.
Dans ce cinquième tome, l'intrigue principale, c'est-à-dire le complot fomenté par Black Sabbath et Sire Mortis pour renverser le comte de Dracula, marque un temps d'arrêt. Le temps pour Heinrich, alias Requiem, de s'offrir une escapade en compagnie de Rebecca, son amour interdit. Ou quand un vampire aime une lémure, non pas pour lui enfoncer ses crocs dans le bas du cou et se repaître de son sang mais pour la serrer tendrement. Cette relation trouble donne du corps à ces deux personnages, leur personnalité étant de plus en plus étoffée. La fin de l'album laisse d'ailleurs planer comme un doute sur leur avenir commun et sur le rôle qu'ils auront à jouer par la suite, à se demander s'ils sont véritablement libres de leur destinée.
Cette exploration de Resurrection permet à Olivier Ledroit de dépeindre des régions aux physionomies très différentes. Sans délaisser la prédominance rouge et noire qui fait la marque de la série depuis le premier tome, il s'adonne à d'autres ambiances, élargissant ainsi sa gamme de couleurs. Chaque partie de ce monde est caractérisée par une tonalité particulière : on découvre par exemple les régions froides et désertiques du Nord ou l'atmosphère oppressante, insalubre, des bouges de Necropolis. Ce haut-lieu de l'enfer s'apparente en certains de ses quartiers les plus mal famés au Londres de Jack L'Éventreur, les ruelles brumeuses de la cité étant superbement rendues. Ces quelques cases font d'ailleurs penser à Xoco, la série qui avait donné à Ledroit la possibilité de faire montre de toute sa classe pour la première fois.
Le découpage est lui aussi exemplaire. Alors qu'à première vue, les planches semblent nager dans la plus joyeuse confusion, leur composition est en fait réfléchie et ne pose pas de problème de lecture. D'autant que chez Ledroit, les effets visuels (superbes enluminures entourant certaines cases par exemple) ne sont pas là pour suppléer un manque de maîtrise du dessin mais plutôt pour mieux mettre en exergue le trait d'un dessinateur au sommet de son art.
Évidemment, Requiem reste un pur divertissement et doit être considéré comme tel. Ceux qui y chercheront autre chose seront forcément déçus. Mais la série n'en reste pas moins bien construite et réalisée avec talent par deux auteurs qui se sont donnés un totale liberté et s'en servent sans retenue.