Le 10/12/2022 à 04:41:44
C'est l'histoire d'un homme qui raconte n'importe quoi à ses interlocuteurs. Voilà. Je me suis rarement autant ennuyé en lisant une BD. Les différents styles de dessins utilisés pour les différentes fabulations du personnage sont intéressants, mais autrement je ne comprends pas les critiques dithyrambiques ici. Je vous jure, le baron lui-même est sorti de la BD et il ronflait tellement toutes ces histoires l'ennuyaient! Alors je lui ai jeté de l'eau à la figure et on a joué aux échecs ensemble. Je l'ai battu. Quand enfin je lui ai demandé de retourner dans sa BD pour que je puisse rendre le livre, il s'est mis à genoux et m'a supplié de le garder à ses côtés! Je me sentis si mal que j'ai pris ma baguette magique, j'ai appelé mon pote Harry Potter et ensemble on lui a jeté un sort qui en a fait un personnage réel! Il était si content que des ailes lui ont poussé sur les genoux et il s'est envolé dans le ciel. On ne l'a jamais revu... Mais on a entendu dire par la suite par un homme qui voyageait dans le temps qu'il s'était divisé en millier de versions miniatures de lui-même et qu'il s'était retrouvé dans des milliers de BD! Pauvre baron... Je vous en raconte une autre demain?Le 11/10/2022 à 17:52:52
Une sorte de biopic fantastique, relatant les 3 ou 4 dernières années de vie du Baron de Münchhausen dans son village natal où il se retire après moult années de pérégrinations, à vivre les aventures réelles ou imaginaires (ou l'inverse) qui ont fait sa légende. Reclus dans son chateau avec sa femme et ses domestiques, profitant de ses hectares de chasse, il ne se doute pas que dans le village, en bas, un colporteur est de passage, vendant inocemment un livre relatant ses aventures. Le colporteur, fan absolu, va-t-il convaincre les villageois de faire descendre le Baron au bar du village ? L'histoire fait la part belle aux mises en abîme, le livre étant prétexte aux récits dans le récit. Mais lire les aventures fantasques de Münchhausen vaut-il autant que de les entendre de sa bouche-même ? N'est-il pas le plus à même de "vendre" ce que certains l'accusent d'être des affabulations ? Et si ce le cas, quelle importance ? Questionnement sur la narration, l'authenticité et l'incarnation d'une histoire, cet album de Jean-Luc Masbou est un bijou graphique autant que narratif sur le plaisir de raconter.Le 01/12/2020 à 20:17:13
"Le baron" est un hommage irrésistible aux conteurs et doux affabulateurs. Truculent, cocasse, lunaire ou homérique… les qualificatifs ne manquent pas pour décrire cet album dans lequel, on le devine, Jean-Luc Masbou a mis beaucoup de passion. Je dirais qu’il est simplement généreux, quelque part entre la faconde de Pagnol et la verve de Cyrano. Il s’empare du Baron de Münchhausen avec une poésie graphique et littéraire savoureuse, doublée d’une grande tendresse pour son personnage, chantre de l’imaginaire et homme intègre. Il interroge le lecteur sur la place de la mémoire et le rôle de la légende. En revanche, l’ensemble manque de fluidité, notamment entre chaque « souvenir » narré par le baron, mais le dessinateur a su déployer beaucoup de talent pour faire sienne une histoire maintes fois évoquée et nous l’offrir dans un superbe écrin, format XL et dos toilé. La place du livre est d’ailleurs prépondérante dans son récit. Pour ma part, je placerai celui-ci dans ma bibliothèque aux côtés des « Cinq conteurs de Bagdad » et de « La vierge froide et autres racontars ». Une belle bande dessinée à mettre en toutes les mains !Le 26/11/2020 à 13:19:03
Alain Ayroles et Jean-Luc Masbou ont travaillé durant 20 ans sur « De Cape et de crocs ». A l’issue de cette série, Ayroles nous a proposé (avec Guarnido) « les Indes fourbes » qui mettait en scène le roi des affabulateurs Don Pablos de Ségovie ; Masbou nous invite, de façon similaire, à nous pencher sur un mythomane très célèbre, le baron de Münchhausen, dans « le Baron » paru aux éditions Delcourt. Il avait été popularisé grâce au cinéma et aux films de Méliès, Von Baky et surtout de Terry Gilliam, mais saviez-vous qu’il avait réellement existé ? Grâce à Masbou nous découvrons bien des histoires cocasses et méconnues du célèbre aristocrate ainsi qu’un baron pas si perché que cela ! Cet album où il officie en tant qu’auteur complet lui permet, en outre, de se livrer à une réflexion sur les rapports du réel et de l’imaginaire et sur l’importance des conteurs … L’histoire proprement dite commence lorsqu’un colporteur arrive dans le petit village de Bodenwerder et propose à la vente parmi ses étoffes, son tabac et son fil à coudre un livre « fraîchement imprimé, luxueusement, pour petits et grands » qui s’intitule : « les fabuleuses aventures sur terre et sur mer du baron de Münchhausen », les villageois en restent cois : leur seigneur local est devenu un personnage de fiction ! Le colporteur est tout aussi surpris : lui qui a lu ce livre dix fois rêverait d’entendre le baron lui conter ses aventures en chair et en os … Mais voilà qui va être difficile car cela fait trois ans que le baron n’a plus mis les pieds à l’auberge « du boulet de canon » sans doute à la suite d’une dispute conjugale … Ses anciens commensaux vont s’évertuer à le faire changer d’avis … L’album est composé d’un prologue avec l’auteur comme narrateur, d’une notice biographique, d’un récit cadre à l’aquarelle et de récits encadrés (les histoires contées par le baron à ses différents interlocuteurs) dans des styles différents. Il se termine par un double épilogue. Malgré les récits enchâssés et la multiplication des narrateurs (auteur, narrateur omniscient, le Baron et le garde-chasse), la narration reste très fluide d’autant que la différence des styles graphiques marque bien le passage de l’un à l’autre. Ceci constitue l’originalité de cette recréation : alors que « Les aventures du baron de Münchhausen » n’étaient pas reliées entre elles mais formaient une collection de contes sans vraiment d’ordre logique, Masbou va en faire un ensemble bien plus cohérent grâce au fil rouge que constitue l’enjeu de faire venir le Baron à l’auberge pour que le colporteur l’entende de vive voix. On voit donc se succéder le garde-chasse, le capitaine puis le bourgmestre qui viennent supplier le Baron d’accéder à leur requête. Et le Baron va raconter à chacun différentes histoires selon la personnalité de son auditeur : à Gustav le garde, il contera des histoires de chasse, au capitaine, sa campagne de Russie, tandis qu’il confie au petit Hans l’aide jardinier comment il est monté sur la lune grâce à un pois de Turquie ou au cuisinier FriedHold comment il a atterri sur une île composée de fromage aux arbres qui portaient des pains frais. Le scénario est intéressant parce que, d’une part, Masbou choisit de mettre en relief des histoires moins connues des « aventures du Baron de Münchhausen » que celles qui ont été popularisées et surtout parce qu’il décide, d’autre part, de se focaliser sur le « vrai » Baron qui a eu la particularité d’être « fictionnalisé » de son vivant ainsi que le rappelle la notice biographique présentée en chromos d’Epinal au début. Le personnage éponyme est le seul à être « fouillé ». Les autres sont expressifs mais assez caricaturaux. On a les bons vivants « gentils » ronds et rougeauds et les personnages plus austères avec un profil d’aigle (Jacobine Münchhausen) mais ce n’est guère gênant car ils sont là pour donner la réplique au Baron et servent de faire-valoir pour en établir un portrait en creux. Ainsi, même s’il a désormais donné son nom à une maladie psychiatrique (le syndrome de Münchhausen), ce dernier apparait très humain, drôle et touchant. Il est proche de ses gens car il s’adresse avec gentillesse au petit aide -jardinier, dîne et discute d’égal à égal avec son cuisinier ou son garde-chasse. Il ne se sent pas à sa place chez le Vicomte matérialiste et snob. Il a du mal également avec sa légende : il ne supporte plus qu’on lui parle du boulet de canon, raconte la séduction de Catherine de Russie (celle de Vénus est aussi brièvement évoquée dans la planche « best of ») mais n’arrive pas du tout à amadouer sa femme ! En lisant ses propres aventures, il regarde ses mains pleines de taches de vieillesse et s’interroge sur ce qu’il est devenu. C’est mélancolique et ça parle au lecteur… Masbou en fait, enfin, l’alter ego de son père dans le prologue : ce dernier était un résistant et aimait raconter des histoires de guerre truculentes comme une sorte d’exutoire à l’horreur vécue et c’est ce que dit le baron à sa femme. Cela permet donc une réflexion sur l’art, sa nécessité, son bien-fondé dans une époque matérialiste et c’est particulièrement bienvenu en cette période troublée dans laquelle certains ont tendance à considérer les artistes comme non essentiels. Mais ce qui rend vraiment « le Baron » abouti, ce sont les « exercices de style » qui le constituent et forment un régal pour les yeux ! Dès le prologue, pas moins de trois styles différents sont convoqués (voire quatre avec l’hommage à Folon). Mais cette page d’ouverture est l’œuvre collective de Masbou, Jean-Luc Loyer et Turf : trois dessinateurs comme… les trois auteurs des « Aventures du baron » Münchhausen lui-même puis Raspe puis Bürger ! Le reste de l’œuvre est assuré par Masbou seul cependant et c’est un véritable tour de force ! La mise en page est inventive et s’affranchit souvent des cases et même de la planche (nombreuses pleines pages). Les styles graphiques se multiplient à la fois pour le dessin et pour le lettrage et l’on saluera le remarquable travail de Nadège Gaudin sur ce dernier. Le récit cadre (le Baron et les villageois en 1787) est exécuté dans le style « De Cape et de crocs » à l’aquarelle, les récits encadrés varient. On a ainsi une technique semblable aux Images d’Epinal pour la notice biographique, d’autres qui rappellent les motifs de la toile de Jouy pour les histoires de chasse, la campagne de Russie semble sortie d’un livre de conte illustré par Bilibine (le dessinateur reprend même ses frises cadres), les aventures contées au cuisinier le sont à la sanguine et l’on en a également d’autres mises en scène sous forme de petit théâtre de marionnettes, d‘ ombres chinoises et même de collages rococos avec motifs floraux pour la page pot-pourri de ses exploits les plus célèbres! « Le Baron » est un très bel objet-livre : grand format, dos toilé, titre gaufré et doré, beau papier épais, cahier graphique final (avec des recherches de personnages, reproduction du storyboard en intégralité et des essais de couverture) ; on dirait une édition collector ! Et l’intérieur est à l’avenant : on en prend plein les yeux tant le graphisme est superbe et varié. L’on s’amuse beaucoup grâce aux savoureuses mises en abyme et au scénario jubilatoire et l’on éprouve un tantinet de mélancolie devant la fuite du temps et le vieillissement du héros. Enfin on apprécie la profondeur de cet album puisque Masbou fait de son protagoniste un double de lui-même et des artistes qui font ce métier « pour être lus, aimés, connus, enchanter les gens ». A travers ce personnage il rend hommage à l’art et aux auteurs qui émerveillent et nous permettent de garder notre âme d’enfant. Un album parfait pour (re) donner ses lettres de noblesse au 9eme art !Le 12/11/2020 à 15:13:49
Après vingt ans passés en compagnie du loup, du renard et du lapin les plus bavards de la BD, Alain Ayroles et Jean-Luc Masbou se sont quittés, pour nous proposer à une année d’intervalle deux magnifiques ouvrages comme les joyaux majeurs de leur carrière: Les Indes fourbes pour Ayroles (avec Guarnido) et donc, ce Baron (de Münchhausen!) pour Masbou. Et l’on peut dire qu’à la lecture des deux ouvrages, au thème très proche, l’on n’est pas surpris que les deux compères se soient si bien entendus sur la saga De capes et de crocs! le Baron traite de la création, de l’imaginaire et des raconteurs d’histoires. Moins sophistiqué que le premier, l’ouvrage de Masbou profite cependant du trait si particulier et de cette colorisation que l’on a tant aimé sur De capes… En pleine possession de ses talents, doté d’une pagination et d’un format royaux, l’auteur utilise les multiples récits fantasmagoriques du Baron pour nous gratifier d’une variété impressionnante de style, chaque séquence adoptant tantôt l’apparence des gravures du XVIII° siècle, tantôt les albums graphiques russes, la sanguine ou l’image d’Epinal. Comme album de dessinateur ce Baron est donc un véritable régal pour peu que les faciès outranciers de carnaval de Masbou vous siéent. Ce sera là, comme souvent lorsque l’auteur assume les deux rôles, la limite de l’ouvrage qui, s’il est touchant et sympathique, ressemble plus à un exercice de style qu’à un scénario machiavélique comme a su le faire son comparse.[...] Lire la suite sur le blog: https://etagereimaginaire.wordpress.com/2020/11/11/le-baron/Le 08/11/2020 à 23:01:03
J'avais un a priori positif sur cet album avant même de le dévorer car je savais que le dessinateur de "De Capes et de crocs" était à la manœuvre. Le résumé de l'album quant à lui me donnait envie de me plonger à corps perdu dans l'histoire. L'un dans l'autre, je peux dire que je n'ai pas été déçu. Le dessin est magnifique et l'alternance entre l'histoire principale et les histoires racontées par le baron, avec le changement de graphisme apporte une originalité bienvenue qui permet au lecteur captivé de ne pas perdre le fil du récit tout en profitant d'expériences visuelles variées détonantes. L'humour est très bien dosé, et le personnage principal bien plus complexe qu'il n'y paraît. On notera des références (ou clins d’œil) plus ou moins implicites à "De Capes et de Crocs". Sur le fond de l'histoire je m'attendais davantage à une accumulation d'histoires burlesques sans véritablement de lien ni de plus value apportée à l'album. C'était ma principale crainte à vrai dire. Force est de constater que l'auteur n'est pas tombé dans cet écueil. Tout est parfaitement à sa place. Chaque histoire racontée par le baron revêt un intérêt et l'intérêt du récit réside selon moi dans la personnalité du baron. A travers lui, c'est toute une réflexion qui se noue autour du rapport à la vérité vis à vis de l'imaginaire. Une véritable ode à la rêverie qui permet au lecteur, en ces temps moroses, de s'échapper véritablement par l'esprit à défaut dé se mouvoir par le corps. L"autre réflexion explicite concerne l'angoisse existentielle d'un personnage empreint d'humanité (qui à bien y réfléchir n'a rien d'un guerrier sanguinaire), qui au fond souhaite échapper à la dure réalité d'un monde pour le refaçonner selon son imaginaire tout en se questionnant sur la trace qui subsistera de lui après sa mort. Cet album exprime avec une grande habileté la force des mots face à la dure réalité des maux. Bref je le recommande sans réserves.BDGest 2014 - Tous droits réservés