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onformément aux dernières volontés de son père, le duc d’Aquitaine, Aliénor épouse Louis VII de France. Tout les oppose : amatrice de poésie et de fêtes, elle est exubérante et sensuelle ; emprunté, il voulait devenir moine et mène une vie austère sous la houlette de sa mère, Adélaïde, et de son conseiller, l’abbé Suger. Si Aliénor parvient sans peine à subjuguer son époux, elle comprend vite que, si elle veut asseoir son influence durablement, elle devra obtenir l’éloignement de la reine-mère et composer avec l’homme d’église. Pour cela, elle est prête à tout et ne craint pas d’user de ses charmes auprès de ceux qui pourront le mieux servir ses intérêts. Ainsi en est-il de Vincent, un ténébreux chevalier italien, dont la faveur attise la jalousie de Marcabru, troubadour et amoureux déçu.
La collection Histoire & histoires des éditions Delcourt accueille Reines de sang, une nouvelle série dirigée par Marya Smirnoff et évoquant plusieurs souveraines marquantes. Le destin de chacune d’entre elles sera traité par différentes équipes d’auteurs selon un format variable d’un ou plusieurs albums. La première de ces femmes de tête est Aliénor d’Aquitaine (1122-1204), reine de France puis d’Angleterre grâce à ses mariages successifs et mère de sept enfants dont plusieurs furent rois. C’est à travers un triptyque qu’Arnaud Delalande et Simona Mogavino se penchent sur sa légende noire : celle d’une femme de pouvoir, adultère et aimant les Arts.
Dans ce volet d’ouverture, les auteurs retracent l’ascension de leur héroïne, en suivant son parcours d’adolescente de quinze ans fraichement orpheline à ses premières victoires sur ses adversaires, en passant par son mariage et ses démêlées avec Suger et la reine Adélaïde. D’emblée, ils en dressent un portrait contrasté, la montrant à la fois très sûre de ses atouts féminins et de leurs effets, d’un caractère impétueux et avide de mordre la vie à pleines dents, mais également fragilisée par l’absence des siens et les nombreuses attaques de sa belle-mère. Cette complexité est bien rendue et vient nuancer le propos, à défaut de rendre le personnage attachant. Les autres protagonistes, ayant pour la plupart réellement existé, sont également bien campés et complètent le tableau efficacement. Arnaud Delalande et Simona Mogavino profitent d’ailleurs de certaines lacunes historiques pour donner un rôle supplémentaire à certains, comme Marcabru. De plus, grâce à Vincent, le chevalier italien totalement fictif, ils se donnent toute latitude pour corser l’intrigue, en en faisant l’homme de main (et plus) d’Aliénor.
La narration s’avère fluide et la somme des événements qui se déroulent ne laisse guère le temps de s’ennuyer, bien au contraire. Accompagnant celle-ci, le dessin de Carlos Gomez s’ingénie avec talent à rendre ce récit aussi vivant et dynamique que possible. Son découpage est précis, soigné, et sa mise en scène plutôt convaincante. Loin d’être fade, sa représentation des différents personnages se révèle aussi réaliste qu’expressive, malgré quelques gros plans moins heureux (visages déformés ou guère à leur avantage). Il propose d’ailleurs une belle galerie de trognes, en particulier dans l’épisode poitevin. Le seul reproche qui pourrait être fait consiste en un encrage un peu trop marqué par moments, qui n’est pas du plus bel effet. La colorisation de Claudia Chec complète le tout et crée quelques jolies atmosphères.
D’une lecture aussi agréable qu’aisée, ce premier tome d’Aliénor la légende noire est incontestablement de bonne facture et laisse augurer une suite tout aussi prenante. En l’attendant, le public pourra découvrir, dès octobre, une autre reine avec Isabelle, la louve de France.
Les avis
Erik67
Le 01/09/2020 à 17:44:00
Aliénor, la légende noire est le premier titre d’une série qui sera composée en 3 volumes dans une collection destinée à présenter les reines de sang qu’a connu la France au cours de son histoire. Avec Aliénor d’Aquitaine, on va remonter jusque dans les années 1140 soit en plein Moyen-Age, à une époque où les régions et autres duchés avaient encore une belle autonomie.
J’avoue bien volontiers avoir été conquis par cette collection après avoir lu Isabelle la Louve de France. Ici, le style est différent mais l’histoire n’en demeure pas moins passionnante. On entre véritablement dans les intrigues du pouvoir. On va nous présenter une femme qui aime le pouvoir et qui sera prêt à sacrifier la vie de ses sujets par orgueil. Je dois dire que je ne la plains pas quand je vois le roi Louis VII qui visiblement était mieux destiné à jouer au moinillon.
Certains des faits rapportés paraissent difficile à croire. Cependant, après vérification en lisant la biographie de cette reine hors norme, ils paraissent bien correspondre à la réalité. Elle a eu une très grande influence sur le roi en faisant ainsi son jouet. On retrouve des personnages ayant réellement existé comme par exemple le troubadour Marcabru qui est renvoyé de la cour pour avoir chanté son amour pour la reine. Il y a également l’abbé Suger qui est intervenu à Poitiers pour sauver les enfants pris en otage par le roi. On verra que cet abbé homme d’état a joué un grand rôle.
En conclusion, c’est une série qui met en évidence une grande reine peu connue du grand public. Et pourtant, n’est-ce pas elle qui donné naissance au fameux Richard Cœur de Lion ? Eh oui, après avoir épousé le roi de France, elle épousera le futur roi d’Angleterre ce qui ne manquera pas de mettre le feu aux poudres dans le conflit qui oppose les deux pays depuis 100 ans. Une lecture où l'on se régale.
pysa
Le 09/12/2018 à 13:35:10
Premier épisode d'une trilogie consacrée à la Reine Aliénor. L'intrigue commence par le mariage avec Louis, futur Roi de France. Les dessins sont très réussis et le scénario tient la route.
biggyjay
Le 28/05/2015 à 23:40:30
Cet album évoque un peu "Les Rois Maudits" avec son contexte historique et un scénario bien ficelé. Le dessin est plutôt pas mal et les couleurs apportent un plus à l'ambiance. Joli travail !
Fans de BD historique, ceci est fait pour vous !
duncan89
Le 10/04/2015 à 10:31:43
Une lecture agréable malgré beaucoup trop de dialogues qui n'apportent pas forcement un plus au récit quand au contexte historique.
La mise en scène est plutôt fluide, le dessin est bon et bien travaillé malgré les 10 premières planches ou l'encrage est lourd et les personnages pas encore maîtrisés.
Le travail de colorisation est de bonne facture et sert bien l'ambiance du récit.