Info édition : Avec en fin d'album, un dossier historique de 8 pages rédigé par Nicolas Werth.
Résumé: Il est aisé de gagner lorsqu'on n'a plus d'ennemis...
Début 1922. Staline, alors secrétaire général du Comité Central du Parti communiste, met tout en œuvre pour prendre la place de Lénine, dont la santé décline. Mais sa capacité à gouverner est sérieusement mise en doute par son mentor lui-même. Après sa mort, une lettre écrite par Lénine, et allant dans ce sens, est d’ailleurs diffusée auprès des dirigeants du Parti. Alors déterminé à faire oublier cette vérité, Staline s’applique à éliminer un à un ses opposants, d'abord par d’habiles manœuvres politiques, puis de manière radicale et expéditive. C’est le début d’une purge qui durera plus de quinze ans...
E
n janvier 1934, lors du 17ème Congrès du Parti communiste de l’Union soviétique, Staline évoque l’essor industriel du pays grâce aux classes laborieuses. Ce qu’il présente comme un succès lui permet de balayer d’un revers de la main les rumeurs de famine en Ukraine et de légitimer sa politique musclée. Quelle consécration pour le secrétaire général ! Pourtant, en 1922, il était bien éloigné de cette position de force, alors que Lénine, très malade, souhaitait l’évincer de son poste clé au profit d’une figure plus conciliante. Au lendemain du décès du leader bolchevik, le sort du Géorgien aurait bien pu basculer. En cette heure périlleuse, il lui fallait prendre de court tous ses rivaux. Par tous les moyens, peu importe les dégâts.
Après Elisabeth Ière (en 2016) et Winston Churchill (intégrale parue en mars 2019), Vincent Delmas (Synchrone) s’attaque à la figure de Staline dans le trente-deuxième tome de la série Ils ont fait l’Histoire. Pour cela, il est secondé par un éminent historien spécialiste de l’URSS, Nicolas Werth, qui signe le très intéressant et bien documenté dossier final de l’album.
Plutôt que de raconter l’ensemble de l’existence de Joseph Vissarionovitch Djougachvili, le scénariste privilégie la période de la prise de pouvoir effective du « petit père des peuples ». Pour autant, il n’oublie pas de faire allusion au fil du propos aux origines non russes du personnage, à ses premières activités de rébellion contre le régime tsariste ou encore à sa vision de la montée en puissance d’Hitler qu’il semblait admirer. Depuis la récupération de l’héritage politique de Lénine par d’habiles manœuvres jusqu’à l’établissement d’un véritable culte de la personnalité, en passant par la collectivisation forcée, la traque aux opposants, la vague des grands procès, ce sont ainsi deux décennies d’une histoire complexe et souvent sanglante qui sont relatées, mais aussi le caractère et l’ambition d’un homme dont la main d’acier ne s’embarrassait nullement d’un gant de velours. Par ailleurs, si l’aspect politique est évident très présent à travers la rivalité avec Trotski ou Boukharine ou dans l’utilisation de la propagande, la dimension humaine de l’individu n’est pas occultée. Ainsi, les apparitions de la première épouse de Staline en disent-elles long sur la propension du dirigeant à la colère, à la violence et à un certain machisme. De même, malgré des gestes tendres et paternels, une scène avec sa fille en fin d’album fait froid dans le dos au regard de ce qui se passe dans les vignettes qui l’entourent.
S’appuyant sur le travail de Christophe Regnault au storyboard, le récit est porté par le dessin réaliste de Fernando Proietti, que vient compléter la colorisation d’Arancia Studio. Le style graphique se distingue par un trait à l’encrage assez épais qui, dans l’ensemble, fonctionnerait plutôt bien si, par moments, les jeux d’ombres ne venaient complètement noircir certains visages. Pour autant, les protagonistes demeurent largement reconnaissables et expressifs. Classiques, le découpage et les cadrages variés offrent une bonne dynamique.
Ce Staline propose un portrait sans concession du dictateur soviétique à travers vingt années d'ascension puis d'installation pérenne au pouvoir. Il est dommage que la mise en image, quelque peu en deçà, ne convainque pas autant.
Les avis
Erik67
Le 21/10/2021 à 08:11:22
Je me suis toujours demandé qui je détestais le plus entre Hitler et Staline. Toux deux ont le point commun d'avoir causé la mort de millions de personnes pour leur simple pouvoir personnel. Bien plus de morts que la pandémie actuelle ! C'est effroyable d'avoir permis que de tel dictateur puisse faire autant de ravages.
Certes, Staline a combattu Hitler mais il avait une certaine fascination pour cet homme qui n'hésitait pas à tuer ses adversaires ou ses potentiels adversaires. La propre épouse de Staline s'est suicidée en voyant ce que son mari était devenu. Même Lénine avait décelé ce qui n'allait pas chez cet homme mais rien n'a pu arrêter sa course vers le pouvoir suprême pendant plus d'un quart de siècle. Il a montré plus de détermination que la plupart de ses adversaires et les éliminer du jeu politique.
La BD s'appuie sur des faits historiques dont certains ont longtemps été caché à la face du monde comme cette fameuse lettre testament. On rencontre les principales figures comme Lénine ou Trotski mais il n'y a guère de dialogues. Ce sont plutôt une succession de situation comme un discours devant un Congrès qui retrace alors le portrait de cet homme machiavélique.
On voit également avec quelle brutalité cet homme s'est octroyé des victoires quand il y avait des défaites manifestes. Il a crée un tissu de mensonges autour du régime soviétique afin de tenir face au régime capitaliste occidentaux. Le fonctionnement de la dictature stalinienne a fonctionné comme une logique de clans avec ces apparatchiks sur le parti et le politburo. Cela va de pair avec l'élimination d'une grande partie des élites politiques économiques et militaires de la première génération bolcheviques.
Bref, une bd qui fait froid dans le dos mais qu'il n'est pas inutile de lire pour comprendre comment fonctionne les dictatures afin que cela ne puisse jamais arriver sur notre sol un jour.
Amata
Le 02/03/2021 à 15:09:12
Cet album relate avec rythme l'astucieuse prise de pouvoir de l'un des pires tyrans du XXème siècle. Le récit ne se contente pas de raconter l'ascension du dictateur, il tente de comprendre l'homme et sa folie (CF les pages avec sa femme ou sa fille). Un portait glaçant, à la mise en scène parfois inventive, et au dessin expressif et très ressemblant.
judoc
Le 28/06/2020 à 18:37:18
De la même veine que les albums consacrés à De Gaulle.
C'est bien de l'effroyable chef d'état soviétique, de son parti communiste, des paysans, du travail forcé et de la famine de l'entre-deux-guerres dont on parle dans cet album.
Un homme qui n'a pas hésité à sacrifier plusieurs millions de ses concitoyens pour moderniser l'industrie de l'union soviétique et à éliminer la plupart de ses opposants afin de régner en maître absolu sur son pays.
Bien scénarisé et bien dessiné, c'est un excellent complément au film "L'ombre de Staline" qui est diffusé dans les salles depuis peu.