E
dgar Allan Poe, à la fois nouvelliste, poète ou encore romancier, a marqué de son empreinte la littérature américaine. Son œuvre est à l'image de son vie, riche et variée. Il est également considéré comme l'inventeur du roman policier. En France, il a gagné ses lettres de noblesse en trouvant en Charles Baudelaire un traducteur célèbre et émérite qui a fait découvrir la plupart de ses contes et plusieurs de ces poèmes.
L'Antre de l'horreur regroupe dix de ses nouvelles et poèmes adaptés au troisième millénaire, c'est du moins la volonté affichée par Richard Corben (dessinateur et scénariste américain spécialisé dans les récits de fantasy) et Rich Margopoulos. L'album est composé d' histoires accompagnées à chaque fois du texte original. Cette confrontation offre la possibilité de mettre en lumière plusieurs éléments : tout d'abord la qualité de l'œuvre telle qu'elle fut écrite avec ce souci de doter phrases d'effets de style. Ensuite, elle contribue involontairement à mettre l'accent sur les difficultés rencontrées par Corben et Margopoulos pour transcrire en images ce texte si particulier. Enfin, malheureusement, elle pousse à réaliser que certaines des adaptations, en suivant de trop près le texte à la lettre, ne fonctionnent pas, tandis que celles qui s'en éloignent trop et perdent de leur essence. Le Corbeau, en ouverture, reste l'une des meilleures, jouant sur la peur et le suspense. Tandis que la Dormeuse qui suit semble caricaturale. Chaque histoire se joue dans un registre particulier : Le Ver conquérant est apparenté à la science-fiction, Le cœur révélateur au policier, Eulalie transcrit la misère sexuelle quotidienne non sans humour, etc. Toutes sont illustrées dans un style graphique souvent chargé où Corben use avec justesse des ambiances propres aux films d'horreur de série B. La surprise vient de cette association improbable entre des textes du XIXè et une illustration qui joue d'une infographie aux tons gris, lisse comme peuvent l'être des images retouchées. Cette technique se révèle particulièrement adaptée pour renforcer le propos du Corbeau et du Lac.
L'Antre de l'horreur n'est certainement pas dénué d'intérêt, mais l'hétérogénéité des nouvelles et poèmes laisse une impression mitigée. Un récit bien mené peut laisser la place à un autre que l'on s'empresse d'oublier tant il déçoit. Le plus marquant dans ce sens est Israfel transposé dans le milieu du rap. A réserver probablement aux inconditionnels des auteurs.