Résumé: La Voiture d’Intisar , prix France Info 2013, retrace le parcours d’une Yéménite moderne en quête de liberté. Malgré la guerre civile, Intisar poursuit son idéal. Son exil en Jordanie lui offre de nouvelles opportunités…
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epuis 2012 et La voiture d’Intisar, le quotidien de la jeune protagoniste a dramatiquement changé. D’une amorce de révolution inspirée par le Printemps arabe, le Yémen a sombré dans la guerre civile, avant de subir un pilonnage aveugle de la part de son voisin du nord, l’Arabie saoudite. Résultat, l’ancien royaume de Saba s’est complètement écroulé et les plus chanceux (et fortunés) ont choisi la voie de l’exil. Intisar réside maintenant à Amman en Jordanie. Le travail et l’argent sont rares et l’inquiétude pour les absents restés là-bas permanente.
La formidable héroïne créée par Pedro Riera reprend du service dans un deuxième tome captivant et effrayant. Créature synthétique construite à partir d’entretiens réalisés par le scénariste, Intisar est un personnage fascinant. Grande gueule diront certains, alors qu’elle est simplement elle-même, une femme intelligente, parfaitement ancrée dans son époque. Personne n’a le droit de lui imposer quoi que ce soit et n’essayez pas de l’amadouer avec de fausses promesses ! Elle n’est pas née de la dernière pluie (ce qui n'est pas rien au Yémen) et attendez-vous à des réponses cinglantes remplies d’un humour aussi noir que l’abaya - son costume de ninja comme elle l’a surnommé - qu’elle est obligée de revêtir en public. Cette spontanéité est d’ailleurs dangereuse quand on vit dans une société aux mœurs archaïques.
Détaillé en courts chapitres narrant anecdotes légères et moments insoutenables, l’album fait également la part belle à la culture générale (rappels historiques, géopolitiques et économiques). La force de la narration vient de la manière dont l’auteur a réussi à organiser ces éléments hétéroclites pour former un récit totalement cohérent. Pas de pathos, même quand il fait entrevoir des enfants déchiquetés, pas de misérabilisme ou d’appels à la révolte, lorsqu'il souligne la façon dont l’Occident détourne son regard et laisse la région s’embraser. À la place, c’est Intisar qui prend les coups et qui promet les pires tourments à ceux qui détruisent son monde et les siens.
Les dessins de Sagar retranscrivent avec énergie et précision cette routine faite de colère et de peur. Pas besoin d’esbroufe ou de mise en scène alambiquée, la réalité est malheureusement amplement suffisante.
Lecture indispensable pour comprendre ce qui se trame réellement aux confins de l’Arabie, Intisar en exil ne peut laisser indifférent.